Binoche, Kiarostami, Ishaghpour. Le jeu de la vérité
Le cinéaste iranien Abbas Kiarostami et la star française Juliette Binoche présentent Copie conforme, en compétition officielle à Cannes. Avec le théoricien du cinéma et photographe Youssef Ishaghpour, ils s’interrogent sur le mensonge et la réalité en art.
Passage de la rue Traversière, à Paris, règne une atmosphère printanière. Réunis sous la tonnelle, autour d’une table en bois, le réalisateur de Copie conforme (sorti le 19 mai 2010), Abbas Kiarostami, son interprète, Juliette Binoche, et le philosophe du modernisme, Youssef Ishaghpour. Sélectionné en compétition officielle à Cannes, le film est un conte philosophique sur l’amour et la fiction, tourné en Toscane. Il est né d’un voyage amical que la star française a fait en Iran auprès du poète du cinéma iranien. Après une tournée mondiale de danse contemporaine, l’actrice est à l’affiche du 63e festival. Dans Portrait in-Eyes (Place des Victoires), elle raconte comment elle a fait de ce jeu de rôles un exercice de confession. Lunettes noires et sourire malicieux, Abbas Kiarostami, l’auteur d’Où est la maison de mon ami ? (1987) et du Goût de la cerise, Palme d’or en 1997, se présente comme un artisan, préoccupé de soucis techniques et curieux du regard que nous portons sur son film. L’héritier du réalisme de Rossellini et de l’intellectualisme d’Orson Welles nous livre ses réflexions sur le sens du mensonge et de la réalité en art. Photographe (Au commencement, La Différence), Youssef Ishaghpour est l’auteur d’un triptyque sur Orson Welles (La Différence) et de très nombreux essais – dont Kiarostami. Le réel, face et pile (Circé). En voyant ce film, le théoricien du cinéma a renoué avec les questions de l’enfance, se demandant ce qu’il devait croire et ne pas croire. Dans cette langue persane qui semble faite pour le conte, Kiarostami répond comme un sage, par des aphorismes : « C’est au cœur du mensonge que se trouve la vérité ! » Pour lui, le cinéma n’est pas fait pour propager un message, mais pour « matérialiser une pensée ».
Juliette Binoche : Ce film est né dans une voiture à Téhéran. Abbas Kiarostami m’avait invitée à venir le voir, en toute amitié. Quand je suis descendue de l’avion il y avait des paparazzi et des journalistes partout, et j’ai passé une journée laborieuse en interviews, à expliquer que nous n’avions pas de projet de film ensemble. Nous avons réussi à nous éclipser. Pour me changer les idées, Abbas m’a raconté une histoire comme il les aime : simple mais vertigineuse. Un homme et une femme se rencontrent dans un village de Toscane. Lui est artiste ; à l’occasion de la publication de son livre, Copie conforme, il vient faire une conférence sur les relations entre la copie et l’original en art. Elle est une galeriste française qui élève seule son enfant. Intriguée par cet homme, elle l’entraîne dans les ruelles toscanes et s’amuse à le faire passer pour son mari, toujours absent. L’écrivain, qui soutient qu’une bonne copie vaut mieux qu’un original, ne peut qu’accepter le rôle. Mais chacun se prête trop bien au jeu. Abbas qui m’avait tenu en haleine avec cette histoire en me la racontant comme si elle lui était arrivée, m’a demandé à la fin : « Tu crois ce que je viens de te raconter ? » Je lui ai répondu : « Oui, bien sûr. » Rien n’était vrai en réalité. J’ai éclaté de rire, il a ri à son tour…
Abbas Kiarostami : C’était juste une histoire comme ça. Ce qui comptait pour moi, c’était de divertir mon invitée ! Ce qui m’a ravi, c’est qu’elle comprenne mon anglais !
J. B. : Oui, sauf que, quelques jours plus tard, alors que j’étais à moitié endormie à l’arrière d’une voiture en route vers Ispahan, j’entends le chef opérateur qui nous accompagnait rire aux éclats. Je comprends tout de suite qu’Abbas est en train de lui raconter la même histoire. Le chef opérateur nous a dit qu’il fallait en faire un film. Abbas a réfléchi cinq minutes puis a acquiescé. J’ai pris deux petits morceaux de papier où j’ai griffonné deux contrats. On y a déposé nos empreintes. L’aventure de Copie conforme a commencé.
Youssef Ishaghpour : À travers le récit d’une crise conjugale, ce film ouvre les portes d’une réflexion très profonde sur les rapports du réel et de la fiction. Mais il le fait latéralement en quelque sorte, en brouillant les cartes d’une banale histoire de couple. Cependant, une question subsiste : est-ce que le spectateur doit croire à l’histoire qu’on lui raconte ? Car, de deux choses l’une, soit le spectateur assiste à un faux, à un jeu, soit il assiste à des retrouvailles entre un mari et sa femme. Je me demandais donc si, pour vous, il doit nécessairement y avoir un moment de doute chez le spectateur sur la réalité de ce qu’il voit ?
Youssef Ishaghpour, essayiste iranien, a consacré trente-sept ans de sa vie à une monumentale étude du cinéma d’Orson Welles. Ce qui n’empêche pas ce passionné d’images en tout genre de se considérer comme… un non-spécialiste.
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