Avoir, faire, être: catégories cardinales de la réalité humaine
Être ou avoir ? Dans sa version la plus dramatique, cette alternative pourrait se reformuler ainsi : préférez-vous employer toute votre force et votre intelligence à gagner de l’argent afin de vous offrir une Rolex, une Ferrari ou tout autre objet de luxe ? Ou bien, au contraire, seriez-vous prêt à tout plaquer pour aller élever des chèvres dans le Larzac ou tenter un tour du monde à pied ? On sent bien que, pour la plupart d’entre nous, aucune de ces deux voies extrêmes n’est très engageante.
L’avoir, à lui seul, ne constitue pas tout à fait une raison de vivre – il a quelque chose de décevant. Ici, il ne s’agit même pas de condamner la vanité des biens terrestres en faisant l’éloge de la félicité éternelle – nul besoin de souscrire à la condamnation chrétienne de la richesse matérielle pour remarquer que l’avoir est par nature insatisfaisant. Comme l’a très bien écrit Sartre dans L’Être et le Néant, la propriété a un grand défaut : c’est un idéal, autrement dit une sorte d’illusion, elle ne s’éprouve pas concrètement. Mettons que je m’achète une belle montre. Je suis heureux de la porter à mon poignet le premier jour. Mais au bout d’une semaine, je l’ai oubliée, elle ne rayonne pas en moi, elle ne m’affecte pas. Elle reste comme extérieure à moi, indifférente, morte. Dans la possession d’un objet, il y a une promesse qui sera tôt ou tard déçue : celle d’être intérieurement enrichi par une substance extérieure. « Ainsi, écrit Sartre, le désir d’un objet particulier n’est pas simple désir de cet objet, c’est le désir de s’unir à l’objet par un rapport interne, de manière à constituer avec lui l’union “possédant-possédé”. Le désir d’avoir est au fond réductible au désir d’être par rapport à un certain objet dans une relation d’être. » Cette analyse ne signifie pas qu’un certain confort matériel minimal n’est pas indispensable ni nécessaire à la vie. Mais elle montre assez que la propriété de biens rares et luxueux n’exaucera pas notre souhait d’accéder à une meilleure qualité d’être, elle ne garantit nullement la plénitude : elle recouvre, en fait, un désir impossible.
« Le désir d’avoir est au fond réductible au désir d’être par rapport à un certain objet dans une relation d’être »
Jean-Paul Sartre
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