Aux sources intellectuelles de la planification écologique

L’expression est sur toutes les lèvres depuis qu’Emmanuel Macron en a fait le mot d’ordre de sa politique environnementale : planification écologique. Si la notion avait d’abord, dans le débat public hexagonal, été mobilisée par Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière présidentielle, son histoire est en fait beaucoup plus ancienne.

Si l’idée de planification est aujourd’hui sur le devant de la scène, son apparition remonte en fait à près d’un demi-siècle au moins. Elle rencontre en tout cas un certain écho dès les années 1970-80 dans un champ particulier, celui de l’urbanisme, et plus généralement de l’aménagement des territoires, qui présente cette double caractéristique : l’ampleur des aménagements (et leur durabilité) exacerbe les problèmes posés par l’économie du laisser-faire et encourage en retour le passage à la planification. L’importance de ces aménagements est à la mesure des destructions environnementales qu’ils sont susceptibles d’engendrer.

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Les questionnements se développent en particulier dans le monde nord-américain. Les Canadiens Gérard Domon, Michel Gariépy et André Bouchard en distinguent, dans « La planification écologique : analyse critique et mise en relation avec la planification environnementale » (1987), deux grandes tendances qui, si elles semblent parfois difficiles à séparer, n’en possèdent pas moins des caractéristiques spécifiques.

Planification écologique

Quelques textes sont fréquemment associés à la naissance de la planification écologique. Dès 1969, Ian McHarg avertit dans Design With Nature : « Une croissance incontrôlée, sporadique, se propageant sans discrimination, effacerait lentement mais sûrement les vallées, recouvrirait inexorablement le paysage de sa souillure, détruirait irrévocablement tout ce qui est beau. […] Sans nouveaux pouvoirs de planification, il n’y a pas de raison de penser que [ce mouvement] changerait de nature. » L’année suivante, G. A. Hills, D. V. Love et D. S. Lacate réfléchissent, dans Developing a Better Environment: Ecological Land Use Planning in Ontario, à une « planification dans l’usage des terres ». À leur yeux, l’utilisation efficace du territoire suppose une « connaissance » de « la nature de l’écosystème et sur les relations qui s’y établissent », afin d’en tirer le meilleur sans affecter sa capacité de régénération. La « volonté d’inscrire ce développement à l’intérieur d’une certaine responsabilité envers le futur, de lui conférer une certaine durabilité » (Domon, Gariépy et Bouchard) entre tout particulièrement en ligne de compte. La clef de la planification, comme le dit encore J. Harrison dans « The Role of Earth Science in Ecological Planning » (1973), repose sur « la compréhension de l’environnement naturel et l’intégration des activités humaines dans cet environnement ». Dans « Planification écologique : un rapport d’un atelier urbain du CCCET » (1979), E. B. Wiken fait de la planification la clef d’une « harmonisation » des sociétés humaines avec un milieu naturel « dont l’importance est vitale pour les besoins et le bien-être des hommes ». L’année suivante, R. Lang et A. Armour publient leur Livre-Ressource de la planification de l’environnement. Il y décrivent, contre la spontanéité désorganisé du marché, la planification comme un « processus de préparation à une action réfléchie portant sur un environnement particulier ou un aspect particulier des ressources naturelles, en vue d’atteindre une amélioration optimale de la capacité et de la qualité du milieu ». Rassemblant ces différents fils, Louis Bélanger et Marius Pineau résument dans leur article « La planification écologique et l’aménagement du territoire urbain québécois : une problématique » (1983) : « Un aménagement urbain qui utilise la planification écologique se caractérise principalement par sa prise en considération des principes et des données écologiques, au même titre que les données économiques et sociales, techniques et politiques considérées habituellement, permettant ainsi d’adapter et d’harmoniser le développement urbain aux caractéristiques naturelles du territoire. »