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En tant que vice-présidente, Kamala Harris prendra la présidence du Sénat américain dès le mois de janvier 2021. © Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Politique américaine

Aux États-Unis, c’est la minorité qui décide

Jean-Marie Pottier publié le 07 décembre 2020 4 min

Après la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles de novembre dernier, la politique américaine est désormais suspendue aux électeurs de l’État de Géorgie, dans le sud du pays. Ces derniers feront la décision lors de deux élections sénatoriales annoncées comme serrées le 5 janvier. Les démocrates contrôlent actuellement 48 sièges au Sénat, contre 50 pour les républicains : en cas de double succès dans cet État, ils atteindront la majorité, car Kamala Harris, en tant que nouvelle vice-présidente, est également la présidente « honorifique » du Sénat. Elle aura donc le pouvoir de trancher une éventuelle égalité à 50-50. Même en cas d’échec, ils seront (maigre consolation…) d’une certaine façon majoritaires : leurs 48 sénateurs représenteraient des États peuplés par 174 millions d’Américains, contre 154 millions pour ceux représentés par les éventuels 52 sénateurs républicains. 

Pour de nombreuses observateurs, le mode d’élection actuel du Sénat incarne le « règne de la minorité », déjà dénoncé en son temps par l’un des pères fondateurs de la démocratie américaine, Alexander Hamilton. Il remet en question la valeur du principe « un électeur, une voix », car le poids final de chaque voix s’avère très inégal.

L’État, c’est eux !

Si la Chambre des représentants (l’autre assemblée parlementaire américaine) est élue en proportion de la population des États, chaque État compte en revanche deux élus au Sénat, quel que soit son nombre d’habitants. Cette règle date de la convention constitutionnelle de 1787, lors de ce qu’on a appelé le « compromis du Connecticut ». Les plus petits des États fondateurs, qui craignaient de voir les grands dicter leur loi au Congrès, ont alors obtenu que le mode d’élection du Sénat contrebalance celui de la Chambre des représentants. Mieux (pour eux) : si la Constitution américaine peut être révisée avec l’accord de trois quarts des États, elle précise explicitement qu’aucun État ne peut, « sans son consentement, [être] privé de l’égalité de suffrage au Sénat ».

Un déséquilibre grandissant

Les pères fondateurs n’avaient sans doute pas envisagé que les États américains se peupleraient de manière aussi déséquilibrée. À l’époque, l’État le plus peuplé comptait douze à treize fois plus d’habitants que le moins peuplé; aujourd’hui, la Californie est 68 fois plus peuplée que le Wyoming. Dit autrement, le vote d’un Californien vaut au Sénat 1,5 % de celui d’un habitant du Wyoming. Dans un récent livre, Why We’re Polarized, le journaliste Ezra Klein prédit qu’en 2040, l’évolution démographique fera que 70 % de la population américaine élira 30 sénateurs, et 30 % de la population américaine 70 sénateurs. Une disproportion qui a valu au Sénat d’être qualifié d’« assemblée la moins représentative du monde, à l’exception de la Chambre des Lords britannique ». D’autant qu’il suffit d’une coalition de 40 sénateurs pour faire obstruction à l’examen d’une loi (le célèbre filibuster) : en 2013, une minorité, largement constituée de représentants des petits États, avait ainsi fait barrage à un durcissement du contrôle des armes à feu après le massacre de l’école primaire de Sandy Hook.

Un atout pour les républicains ?

Cette surreprésentation des petits États est d’une grande aide pour les républicains, qui dominent les zones peu peuplés là où les démocrates sont plus forts dans les zones urbaines denses: depuis quinze ans, ils ont contrôlé la moitié du temps le Sénat sans jamais y avoir une majorité du vote populaire. Un règne de la minorité qui connaît d’autres avatars, des découpages souvent très partisans des circonscriptions de la Chambre des représentants (gerrymandering) au prisme déformant du collège électoral. Ce dernier a failli produire, cette année, le résultat le plus antidémocratique de l’histoire américaine: si Joe Biden devance Donald Trump d’environ 7 millions de voix (plus de 4 points) au plan national, sa majorité dans le collège électoral n’a tenu qu’à 44.000 petites voix dans les trois États les plus serrés (Arizona, Géorgie, Wisconsin).

Comment remédier à cette inégalité ?

Des pistes ont été suggérées pour remédier à ce règne de la minorité au Sénat. Des chercheurs ont proposé de ramener le nombre minimal de sénateurs par État à un et de redistribuer les sièges restants en fonction de la population. Une autre possibilité serait de réduire les différences de taille entre les États en démembrant les plus grands, en créant une Amérique à 75 étoiles. À plus court terme, des démocrates proposent aussi de créer au moins deux nouveaux petits États dans des territoires qui leur sont favorables, la capitale fédérale Washington D.C. et Porto Rico.

Tocqueville, lanceur d’alerte

Dans l’intervalle, le compromis constitutionnel fondateur, qui avait pour but d’empêcher une tyrannie de la majorité, risque de déboucher sur une tyrannie de la minorité. Un des pères de la démocratie américaine, Alexander Hamilton, s’était élevé contre ce risque dès décembre 1787, estimant que la règle des deux sénateurs par État contredisait « toute idée de proportion et toute règle de juste représentation » : « Deux tiers du peuple américain ne sauraient être convaincus pendant longtemps [...] de soumettre leurs intérêts à la direction et au bon vouloir du troisième tiers. » 

Même Alexis de Tocqueville, souvent alarmé des risques de tyrannie majoritaire, s’inquiétait dans De la démocratie en Amérique (1835) que « la minorité de la nation […] paralyse entièrement les volontés de la majorité, […] ce qui est contraire à l’esprit des gouvernements constitutionnels ». Optimiste, il estimait cependant que les États de l’époque, « jeunes », « rapprochés les uns des autres », avaient « des mœurs, des idées et des besoins homogènes » et ne sauraient trop diverger. 

Un constat qui n’est sans doute plus valable dans une Amérique qui a plus que doublé de volume.

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