Antonio Gramsci, nouveau mentor de la droite de la droite?
Le philosophe communiste italien a forgé le concept d’“hégémonie culturelle”, préalable à toute prise de pouvoir, aujourd’hui récupéré par des personnalités à l’opposé de ses idées. Explications.
Le philosophe italien Antonio Gramsci (1860-1937) est de nouveau à la mode. On le cite à tout bout de champ pour décrire la victoire idéologique que serait en passe de remporter la droite de la droite sur les idéaux hérités de Mai-68. Le polémiste Éric Zemmour, par exemple, se réclame ouvertement de lui. Pourquoi cette référence de gauche brandie par ses ennemis ? Gramsci a formulé l’idée suivant laquelle toute prise de pouvoir effective doit être précédée d’une période d’« hégémonie culturelle ». Qu’est-ce à dire ?
«Contrairement aux marxistes orthodoxes qui considèrent que la sphère idéologique n’est que le reflet mécanique des rapports de classes, Gramsci affirme que son rôle est décisif»
Dans ses Cahiers de prison (parus chez Gallimard), ce philosophe et dirigeant communiste italien emprisonné par Mussolini durant onze années se passionne pour la culture chinoise ou japonaise, le penseur médiéval Nicolas de Cues, la théorie eurasiste ou encore le chant X de L’Enfer de Dante… Ce qui relie ces sujets, c’est la fonction politique et sociale de l’intellectuel. Contrairement aux marxistes orthodoxes qui considèrent que la sphère idéologique n’est que le reflet mécanique des rapports de classes, Gramsci affirme que son rôle est décisif. Avant d’exercer le pouvoir sur la société politique, il est indispensable de prendre possession de la société civile – de s’emparer de son cœur et de son esprit. Gramsci croit observer dans son époque « une rupture entre les masses populaires et l’idéologie dominante » incarnée par la bourgeoisie. Cette « crise d’autorité » entraîne un « scepticisme diffus » – et ceci n’est pas sans évoquer la situation actuelle en France. Ainsi « se forment les conditions les plus favorables pour une expansion inouïe du matérialisme historique », c’est-à-dire « la formation d’une nouvelle culture » socialiste. Afin d’assurer son hégémonie, les « intellectuels organiques » représentant la classe ascendante doivent exercer un pouvoir d’attraction suffisant pour faire entrer les idées nouvelles dans le « sens commun ». Cet « appareil d’hégémonie » passe par des pratiques matérielles : système scolaire, édition, médias, mais aussi administrations ou tribunaux. Gramsci a donc été compris comme celui qui aurait pensé la victoire des valeurs de gauche dans les années 1960 – même si la révolution attendue n’a pas eu lieu.
« Intellectuel organique », « hégémonie », distinction entre « domination » et « direction », différence…
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