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António Damásio : “Sans émotions, vous prenez toujours les mauvaises décisions”

António Damásio, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 20 août 2019 9 min

Neuroscientifique éminent, António Damásio, qui vient de publier “L’Ordre étrange des choses” (Odile Jacob), mène des recherches depuis presque quarante ans sur la psychologie des émotions. Son credo : celles-ci sont des outils fondamentaux de compréhension du monde et de nous-mêmes. 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la psychologie des émotions, un sujet qui n’était pas du tout à la mode dans les années 1980 ?

António Damásio : Quand nous avons engagé dans cette recherche le laboratoire que nous dirigions, ma femme Hanna et moi, un certain nombre de nos confrères ont pensé que nous étions devenus fous. C’était pourtant un choix très délibéré. Les années 1980 étaient marquées par l’explosion des sciences cognitives et les progrès de l’intelligence artificielle [IA]. Ce qui était à la mode, à l’époque, c’était de comparer le cerveau humain à un ordinateur, doté d’un certain nombre d’algorithmes en charge du raisonnement. Mais cette vision des choses nous paraissait partielle et erronée. Si vous vous intéressez au vivant dans une perspective évolutionniste plus large, vous vous rendez compte que la vie a 4 milliards d’années mais qu’il existe des cerveaux seulement depuis environ 500 millions d’années. Cela signifie que de nombreux organismes ont longtemps très bien répondu à tous les défis adaptatifs et ont pris des décisions intelligentes, mais sans pensées, sans idées, sans images, sans esprit tout court. Comment est-ce possible ? Notre hypothèse de travail était qu’il existe une forme d’intelligence préréflexive et précognitive, fondamentale pour la survie, et que l’étude des émotions et des sentiments, disons de l’affectivité, était la clé pour la comprendre.

 

Vous aviez aussi des cas assez éloquents en clinique, montrant que les patients qui vivent coupés de leurs émotions prennent systématiquement les mauvaises décisions.

En effet, il existe une catégorie de patients, ceux que dans notre laboratoire nous appelons les « patients de type Elliot », qui présentent des lésions de certaines régions du cortex préfrontal. Ils ont ceci de particulier qu’ils ont des connaissances intactes, qu’ils sont capables de raisonner mais qu’ils se trouvent privés de résonance affective. Ils raisonnent bien mais sont incapables de « moduler » leurs raisonnements en fonction de certaines émotions positives ou négatives. Du coup, ces patients tournent en rond, ils décrivent en quelque sorte des cercles, incapables de décider.

 

Ils n’arrivent pas à garder le même travail très longtemps.

Non, alors qu’ils obtiennent de bons résultats si on leur fait passer un test d’intelligence. Ils sont comme vous et moi, et pourtant, il leur manque quelque chose. Quoi ? En fait, pour exercer un métier, pour mener à bien une tâche, vous avez besoin d’incitations. Il ne suffit pas d’être intelligent et alerte, il faut également ressentir un certain mouvement interne. Telle est la méprise fondamentale des cognitivistes purs mais aussi de bien des gens dans notre civilisation occidentale très influencée par le cartésianisme : on s’imagine que la raison est un mécanisme suffisant pour relever les défis de la vie courante et déterminer les comportements adéquats en fonction des situations. Mais ce n’est pas le cas. Si vous travaillez, c’est que vous vous sentez relié aux autres – à vos collègues, mais aussi à votre famille – par votre travail, qu’il vous apporte certaines satisfactions – un ensemble de récompenses émotionnelles, en fait. Si vous êtes indifférent à ces récompenses, il vous manque l’élan ; vous avez le moteur mais pas d’essence. Vous passez quelques heures à une tâche et puis vous l’abandonnez. Elle ne signifie rien pour vous. Vous ne pouvez pas travailler tous les jours du lundi au vendredi, pendant huit à dix heures. C’est grâce à nos émotions et à nos sentiments que nous nous levons le matin, pas du fait d’un raisonnement. En fait, sans elles, vous ne participez pas à la vie.

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