Amadou Sadjo Barry : “Les Guinéens n’ont jamais eu l’occasion de se réapproprier collectivement leur destin”
Comment expliquer le coup d’État militaire qui vient de renverser le président guinéen Alpha Condé ? Il y a bien sûr un problème lié à sa personnalité, mais, pour le philosophe Amadou Sadjo Barry, auteur d’un Essai sur la fondation politique de la Guinée (L’Harmattan, 2021), il faut aller plus loin : depuis son indépendance, la vie politique du pays est façonnée par une conception autoritaire du pouvoir.
Quelles sont les raisons qui ont conduit au putsch ?
Amadou Sadjo Barry : Les causes en sont multiples. Alpha Condé (83 ans), le président déchu, est certainement une partie du problème, mais, de mon point de vue, il faut aller au-delà de la question personnelle et réinscrire ce coup de force dans une compréhension plus large du fonctionnement politique guinéen. C’est un système qui fait du contrôle de l’appareil répressif un enjeu majeur de la politique. Depuis 1958 [année où la Guinée a clamé son indépendance de la France, une première pour un pays subsaharien], le régime politique postcolonial a fondé le pouvoir exécutif sur l’autorité de l’armée. Il en a résulté une conjonction d’intérêts entre l’exécutif et l’armée qui constitue la marque distinctive de la culture politique guinéenne depuis Sékou Touré, le premier président de la Guinée postcoloniale. D’un point de vue historique, donc, ce putsch est une conséquence d’une dynamique de relations contradictoires entre l’armée et l’exécutif, qui fragilise la société guinéenne et participe à la perpétuation d’une culture politique autoritaire dans laquelle le pouvoir est l’objet d’une guerre de conquête.
“Le pouvoir guinéen ne peut vivre que sous la garantie militaire, mais cette garantie militaire elle-même est toujours prête à imploser sous le poids de ses contradictions”
Ce coup d’État menace-t-il de fragiliser les institutions guinéennes ?
Cette pratique du pouvoir comme « une forme simulée de la guerre », pour reprendre Achille Mbembe, en dit long sur la défaillance des institutions politiques. Les principes normatifs censés organiser la société guinéenne – la démocratie, la séparation des pouvoirs, etc. – ne sont pas effectifs. Ils n’ont jamais reçu de traduction politique. On pourrait à vrai dire se demander, de ce point de vue, s’il existe vraiment une République ou un État en Guinée. D’ailleurs, le coup d’État n’était-il pas la conséquence de l’absence de l’État ? Ajoutez à cela une situation économique compliquée – une précarité injustifiable –, et vous commencez à comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Le pouvoir ne peut vivre que sous la garantie militaire, mais cette garantie militaire elle-même, à cause des luttes intestines, est toujours prête à imploser sous le poids de ses contradictions.
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