Vide et Plein. Le langage pictural chinois

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Cet immense livre est un souffle porté par un trait de pinceau qui révèle le mystère de la Création. François Cheng a 50 ans lorsqu’il écrit son premier livre en français sur la peinture chinoise. Il n’est pas encore le poète académicien qu’il va devenir, mais toute son inspiration est déjà là. Paru en 1979 et dédié à Jacques Lacan, l’ouvrage, plusieurs fois republié en poche depuis, trouve ici la forme pleine et illustrée qu’à 92 ans, se trouvant lui-même « au bord du Grand Vide », le poète philosophe a soigneusement revue. Vide et Plein est pour lui le livre primordial où figure « l’essentiel de ce qu’[il] avai[t] à dire ». Il est aussi primordial pour nous, lecteurs, en restant ce qu’on a écrit de plus complet et profond sur cette « philosophie en action » qu’est le langage pictural chinois. Celui-ci est hanté par l’idée du Vide, un Rien dont tout provient et qui est animé par les souffles vitaux : le Yin, le Yang et le « Vide médian » qui transcende leur opposition. Cet « entre » est la respiration du vivant. Pour dessiner un tronc d’arbre par exemple, l’Occidental tracera une verticale de haut en bas, car « il capte une existence déjà donnée », tandis que le Chinois pose le trait de bas en haut pour « appréhender l’arbre dans sa vitalité interne », continuant à pousser depuis ses racines. Par les noms du trait de pinceau – « tête de rat », « queue de serpent », « à la petite hache » … –, par les pôles de la nature – Obscur-Clair, Montagne-Eau, Homme-Ciel… –, François Cheng nous ouvre l’Univers. 

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