Musée du Luxembourg : la peinture au féminin en pleines Lumières
Nous ne connaissons que quelques noms, parmi lesquels celui d’Élisabeth Vigée Le Brun est assurément le plus connu. Pourtant, si les femmes peintres paraissent si rares dans l’histoire de l’art, ce n’est pas qu’elles n’ont pas œuvré, plutôt que le discours officiel les en a écartées. Voici la thèse de l’exposition Peintres femmes, 1780-1830 programmée au musée du Luxembourg, à Paris, qui s’intéresse à la « naissance d’un combat » féministe en peinture au mitan des XVIIIe et XIXe siècles et présente une galerie d’œuvres d’une trentaine d’artistes pour la plupart méconnues, jusqu’au 25 juillet.
« Pour un jour ne plus avoir à préciser “peintres femmes” et encore moins “femmes peintres” – c’est-à-dire femmes avant que d’être peintres –, il importe avant tout de se doter d’une autre manière d’écrire et de mettre en scène l’histoire », affirme Martine Lacas, la commissaire de l’exposition. Dont acte.
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- Les mœurs sociales et politiques se libéralisent à la fin du XVIIIe siècle, notamment dans le domaine esthétique. Le statut d’artiste libre naît en 1777, qui l’émancipe des contraintes de la corporation et de l’Académie royale. Un Salon libre se constitue en 1791, et des ateliers féminins se forment. Puis, comme l’explique la commissaire de l’exposition Peintres femmes présentée au musée du Luxembourg, Martine Lacas, « d’autres voix, de femmes et d’hommes […], à la faveur de la rupture révolutionnaire, invoquent non plus la nature, l’essence, l’être mais le droit, le rôle social, le sujet politique. C’est un changement radical, qui n’adoucit pas forcément le sort des femmes, mais à partir duquel peut naître un combat ».
- Contrairement à l’idée reçue, les femmes sont assez bien acceptées en peinture à la fin du XVIIIe siècle. Entre la Révolution et le milieu des années 1820, le nombre d’exposantes au Salon officiel passe par exemple d’une trentaine à deux cents. À côté d’Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), fameuse pour être entrée à l’Académie, des œuvres de trente-cinq noms méconnus sont ainsi exposées, montrant l’ampleur d’une activité qui rapidement se professionnalise. L’interdiction de pratiquer le nu pour les femmes ou les obligations matrimoniales et domestiques – des arguments généralement avancés pour justifier rétrospectivement leur anonymat – peinent donc à convaincre. Le problème est ailleurs.

Autoportrait, par Hortense Haudebourt-Lescot (1800, huile sur toile. Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures). © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Mathieu Rabeau
- D’abord, le combat féministe porte plutôt sur les pratiques. Les femmes demeurent longtemps exclues de la peinture d’histoire, du style dit « grand », réservé aux hommes et survalorisé au détriment des scènes de genre. Elles investissent donc principalement l’art du portrait, « qualifié, explique Martine Lacas, de genre mineur parce que sa condition nécessaire et minimale n’aurait été qu’une aptitude “mécanique” à imiter “servilement” la ressemblance – ce dont les femmes étaient capables ». Le portrait donc… et l’autoportrait, dont elles se servent pour asseoir la représentation de la femme artiste ! Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845), par exemple, se figure ainsi à la manière d’un Raphaël, avec une sévérité qui rompt avec les usages charmants et pittoresques. Or, à mesure qu’évoluent les mentalités et les usages, que le domaine de l’intime se constitue, l’art du portrait lui-même gagne en crédibilité. Les femmes bénéficient finalement de « la transformation d’images de l’affectivité privée et familiale en objets d’art offerts au regard public », d’un art du portrait de plus en plus recherché, qu’elles ont contribué à faire évoluer.
- Le parcours de l’exposition conduit ainsi à réévaluer l’histoire de l’art mais aussi la démarche historique elle-même, en s’intéressant à ce que le philosophe Michel Foucault appelait les vies « infâmes », celles qui n’ont pas vraiment connu la postérité. Les voici sorties de l’oubli grâce à cet accrochage, quitte à produire parfois un effet de catalogue manquant d’une ligne claire. Si « l’on [a] beaucoup de peine à dénier cette masculinisation du monde de l’art, reconnaît la commissaire de l’exposition, il importe de la mettre en regard de ce qui échappe le plus souvent à la construction du récit historique et du discours sur l’art […]. Et quitte à y perdre un peu en clarté et en esprit de synthèse, pourquoi ne pas endosser l’humble habit du chroniqueur, tissé de patience ? »
Peintres femmes 1780-1830. Naissance d’un combat / Musée du Luxembourg (19, rue de Vaugirard, Paris VIe) / Jusqu’au 25 juillet 2021 / Informations et réservations sur le site du musée du Luxembourg
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