Traité des libres qualités
Une recension de Catherine Portevin, publié leElle est devenue notre obsession : qualité de l’air, de l’eau, du service, des produits, de l’enseignement, de l’agriculture, de la fin de vie, de la vie au travail, de la vie tout court. Elle a ses indices, ses normes, ses spécialistes qui l’évaluent comme naguère on comptabilisait les pièces sorties de l’usine. « Qualité » est devenu le maître mot, puissant et ambigu comme tous les maîtres mots, de ce qui reste de notre idée du progrès : une version profane du Bien. Pascal Chabot s’en est saisi pour y lire les dérives et désirs contemporains. De livre en livre, il cherche les voies d’un « progrès subtil » capable de faire pièce au « progrès utile » promu par le techno-capitalisme et de nous guérir de cette « maladie du trop » qu’il a diagnostiquée en « global burn-out ». Il s’intéresse là à nos envies de mieux. Ce « mieux », auquel il redonne un sens, résiste aujourd’hui autant à la dictature du chiffre qu’à la prolifération de ce qu’il faut bien appeler le « merdique », version profane du Mal : pollution, déchets toxiques, malbouffe, matériaux cheap, exploitation des corps, infox, abus de pouvoir et autres bien nommés bullshit jobs.
Le flou du concept de qualité est un aiguillon pour le philosophe. Car la qualité est comme le temps pour Augustin : pratiquement, nous savons ce qu’elle est, mais nous ne le savons plus dès qu’il faut la définir. « Toute qualité est décision, et donc culture », affirme Chabot. Descartes distingua les « qualités premières » que sont les caractères objectifs et mesurables d’une chose, de ses « qualités secondes » subjectives, non mesurables, relevant de l’expérience, voire du goût. Ce faisant, il disqualifie l’appréciation commune par le sensible, et il opère le grand partage entre quantité et qualité. Le sensible, l’appréciatif, sera revalorisé par l’industrie mais sous la forme artificielle de la qualité technique, laquelle à son tour s’essouffle à représenter le progrès de l’humanité. À partir de cette passionnante généalogie philosophique et matérielle, appliquée aux pratiques d’aujourd’hui et bourrée d’exemples concrets, notamment dans le domaine de l’écologie et de la santé, Pascal Chabot ouvre la piste pour penser la « transition qualitariste » du capitalisme. Avec une idée forte : la qualité doit être articulée aux principes de liberté et d’égalité. Pour qu’elle ne soit pas « le concept lénifiant d’une société occupée à gérer son abondance », un luxe d’enfants gâtés retranchés dans des « cubes de qualité » ou le faux-nez du contrôle lorsque, par exemple, on prétend améliorer la qualité des soins en réduisant le personnel, alors, il s’agit de tenir à l’adage : « La qualité de vie des uns prospère où prospère celle des autres. »
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