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Terrasses de restaurant et de café à Paris, le 2 juin 2020. © Bertrand Guay/AFP

Journée spéciale déconfinement

Pascal Chabot : Petit éloge de la première gorgée de bière pression

Pascal Chabot publié le 19 mai 2021 3 min

Alors que les bars et cafés disposant d’une terrasse rouvrent (enfin) aujourd’hui, le philosophe belge Pascal Chabot, auteur de Avoir le temps. Essai de chronosophie (Puf, 2021) et grand amateur de bière, nous explique le charme inimitable de cette « rencontre d’une mousse onctueuse et du liquide juste sorti du fût ». Elle se double, pour lui, du contexte inimitable du café, de ses rencontres, de ses conversations inutiles et pourtant essentielles. À ce titre, ce que l’on retrouve avec la possibilité de boire une pils en terrasse, c’est l’ouverture d’une série d’états psychiques et de relations imprévues. 

On boit surtout du contexte, on goûte du possible : c’est ce qu’enseignent quelques gorgées de bière. Non pas ces bières du confinement achetées dans des magasins qu’on finissait par trop connaître, sorties d’un frigo hautement sollicité par de longs mois de réclusion forcée. Mais plutôt ces bières de terrasse, ces bières de bar, ces bières de restaurant que l’on peut à nouveau déguster. C’est un plaisir simple, dont la réussite tient à la conjugaison d’éléments matériels et d’éléments psychiques, et même fantasmatiques. Techniquement, l’amertume vivifiante de la première gorgée de bière que Philippe Delerm a si bien décrite en son temps, cette rencontre d’une mousse onctueuse et du liquide juste sorti du fût où le CO2 engendré par la fermentation est comprimé, n’est possible que dans un bar. Il faut du matériel, cela ne s’improvise pas. La magie de la pils – un nom issu de la ville tchèque de Pilsen –, c’est sa fraîcheur, ce verre encore humide, son pétillement maîtrisé. On les avait presque oubliés : on s’est habitué à bien des privations.

Mais tout cela ne concerne qu’un versant de la soif, le plus prosaïque. Car une autre soif existe, qui pour s’abreuver nécessite un contexte, du possible : des gens, de la musique... Ou même ni gens ni musique, mais une terrasse calme au bord de l’eau, une table de fer un peu brinquebalante, et une bière, donc. Elle a son lieu, elle est justifiée – de même que celui qui la savoure en vaquant à ses pensées, les laissant elles aussi fermenter et l’emmener au gré d’associations libres vers un peu plus d’inédit. Si l’on boit surtout du contexte, c’est que ce petit verre de blonde, somme toute assez banal, appartient à un vaste réseau d’expériences qui, elles, le sont moins. En évoquant une bière, ce sont les ramifications de ce réseau que l’on convoque, tous les possibles dont nous a privé le long huis clos. Ainsi, la conversation généreuse d’un ami ; les discussions inutiles, oubliées et pourtant essentielles de quelques collègues qui se retrouvent après une journée de travail ; la recherche timide d’un diapason commun par un jeune couple, quelques tables plus loin, autour d’un premier plaisir partagé ; le rire gras et théâtral d’un ventru, qui raconte des blagues salaces d’un autre âge ; ces touristes étonnés de passer incognito au milieu de cette faune ; cette femme seule au comptoir, habillée avec goût, ton sur ton, et à qui quelques autres solitaires inventent des futurs ; et dans le bar d’à côté, d’autres cinémas encore ; et plus loin, partout dans la ville, de ces îlots de parole libre que rien n’enrégimente et qui témoignent que l’humain peut toujours extraire de lui-même davantage que ce qu’il pensait contenir. 

Il réside là, l’intérêt d’une pression : dans l’accès à un mode d’existence tourné davantage vers le possible et la fluidité psychique que vers la réalité et ses contraintes matérielles. C’est si vrai qu’on en voit aussi, dans des bars moins bruyants, plus tristes, de ces buveurs imbibés en permanence, qui ont dissous une fois pour toute le réel dans le houblon, qui se réfugient tant qu’ils peuvent dans ce dernier possible, en maugréant sur la seule blonde à laquelle ils peuvent encore prétendre, ce qui est sans doute la blague la plus éculée de tous les cafés du Royaume, et qui, rentrant, titubent vers les reliefs d’un quotidien qu’ils ne retrouvent pas toujours sans violence. Pas de romantisme alcoophile, donc, ni d’éloge univoque de ces puissantes molécules qui créent des vies cyclothymiques, abruties le matin, en verve le soir. Mais plutôt la conscience aiguë qu’un verre ouvre un réseau de possibles, et que le vrai plaisir est à chercher dans le choix des états psychiques et des relations de qualité où il aide à nous introduire.

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