Rien n’est dit. Moderne après tout
Une recension de Jean-Marie Durand, publié leRoland Barthes – avouant en 1979 que, « tout d’un coup », il lui était devenu « indifférent de ne pas être moderne » – avait capté le sens flottant d’un rejet de la modernité qui s’exprimait alors dans l’éclipse des grands récits, l’émergence du postmodernisme et de l’antimodernisme, la disparition des utopies… Face à l’imposition de ce « post » et de cet « anti », à quoi bon alors « proposer l’éloge d’une modernité dont tout contribue à nous démontrer qu’elle a fait son temps ? », se demande Philippe Forest. Peut-être parce que précisément nous n’en avons pas fini avec le vieil idéal moderne. Dans son texte brillant, documentant la modernité poétique du XXe siècle et l’histoire des avant-gardes, l’essayiste défend, « malgré tout », les conditions de possibilité d’une parole qui ne renonce pas à l’exigence de cet idéal moderne. Car qu’est-ce qu’une parole moderne sinon une parole critique ? Sa raison d’être consiste à mettre perpétuellement en crise tout discours positif, « lui rappelant son envers d’ombre, les failles et les apories qui s’ouvrent au sein de toute conscience assurée d’elle-même afin de laisser deviner, derrière l’écran des certitudes communes, la profondeur d’une autre expérience du monde – expérience perplexe, inquiète, irréconciliée ». Pour Forest, la tâche de l’écrivain consiste toujours à « changer la vie et changer la littérature » dans un même mouvement, à la manière d’Annie Ernaux dans Les Années, dont le réalisme n’exclut ni l’expérimentation littéraire, ni la réflexion théorique, ni l’engagement politique. Rester moderne, c’est s’élever contre l’idée que tout est dit. C’est ne jamais renoncer à l’idée de tout transformer, y compris la langue, malgré la prolifération des normes et des habitudes qui ébranle cette aspiration. Fragile, cette espérance, formulée dans une fidélité aux avant-gardes d’antan, n’en est que plus belle : avec Forest, nous serons toujours modernes.
Les “Fragments d’un discours amoureux” sont le best-seller de Barthes.
Roland Barthes est né en 1915 à Cherbourg. Il n’a pas 1 an lorsque son père, militaire dans la Marine, est tué. Entre Bayonne et Paris, il grandit choyé par sa mère, figure centrale de sa vie : « l’amour comblé n’est jamais que le paradis dont…
La langue classique est, pour Roland Barthes, une arme au service des dominants et de leur idéologie. L’écrivain et sémiologue reviendra plus tard sur cette affirmation radicale.
Dans « La Chambre claire », Roland Barthes part en quête de l’essence de la photographie : capturer l’être intime du modèle.
À l’occasion de la réédition des cours de Roland Barthes au collège de France sur « le neutre », les éditions du Seuil ont eu la gentillesse de nous…
Sollicité pour nous présenter une œuvre d’art évocatrice de la liberté, l’écrivain Philippe Forest a choisi “Porte-fenêtre à Collioure” (1914) de Henri Matisse. Il se glisse ainsi dans les pas de Louis Aragon, qui avait lui aussi été…
La perte, d’un enfant ou d’un amour, est au cœur des œuvres de Philippe Forest et de Vincent Delecroix. C’est que, comprend-on à travers leur beau dialogue, deuil et littérature ont en commun de déceler dans l’absence l’éclat même du…
Philippe Forest a été récompensé mardi 7 juin 2016 par le prix Goncourt de la biographie pour son ouvrage consacré à “Aragon”, dont il éclaire le “mentir vrai”.