Reductio ad hitlerum

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Sur les plateaux de télévision, entre amis ou sur les réseaux sociaux, il est une loi, identifiée dans les années 1990 par l’avocat américain Mike Godwin, dont la pertinence est indéniable : « Plus une discussion dure longtemps, plus les chances de voir un interlocuteur se référer au nazisme deviennent élevées. » Pour quiconque habitué de ces médias, pas de doute, « c’est dans l’air », remarque François de Smet. Déjà repérée en 1953 par Leo Strauss comme « reductio ad Hitlerum », la récurrence actuelle de ce « point Godwin » ne peut être que le symptôme d’un malaise profond, celui d’une société qui convoque d’autant plus souvent Occupation et Shoah qu’elles s’éloignent dans le temps. Le « point Godwin » questionne au fond notre rapport ambivalent à la liberté d’expression et notre définition du mal, comme si nous ressentions la nostalgie d’une époque où l’ennemi s’identifiait clairement à son uniforme SS. Contingente, mouvante, fragile : telle est au contraire une démocratie selon de Smet, par opposition au système totalitaire en quête de cohérence (raciale notamment) et de stabilité éternelle. Mais, en temps de crise, la contingence effraie quand la cohérence d’un monde partagé en noir et blanc rassure. Ce (trop) beau rêve de manichéisme : voilà la menace.

Sur le même sujet
Le fil
9 min
Octave Larmagnac-Matheron

Géographe iconique, penseur surprenant et polémique, Mike Davis s’est éteint le 25 octobre. Retour sur les principaux apports de son œuvre, sous forme de…

Mike Davis, le penseur des monstres urbains

Article
3 min
Isabelle Sorente

Beaucoup éprouvent le besoin de se référer à des études pour « valider » leurs plus belles aspirations. Ne faudrait-il pas parfois se garder de la mesure ?


Article
3 min
Pierre Bergounioux

Depuis des années, à la Toussaint, je regagne la lointaine province où j’ai grandi. Il n’y a plus que ma mère pour m’attendre. Tous les autres sont morts, et c…

Réduction transcendantale dans le RER




Article
11 min
Victorine de Oliveira

C’est un Sartre tiraillé que François Noudelmann nous présente. En révolution permanente, l’auteur de L’Être et le Néant cherche inlassablement une cohérence entre sa vie et sa pensée. Car, pour lui, l’engagement est plus qu’un choix,…