Pays de sang

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Les chiffres donnent le tournis : les Américains détiennent 393 millions d’armes à feu (pour une population de 332 millions d’habitants), et, chaque année, 40 000 personnes meurent sous leur coup aux États-Unis, soit plus d’une centaine par jour. Ces chiffres comptabilisent autant les fusillades de masse largement médiatisées que les suicides ou les morts par balle lors d’opérations de police. Cela signifie qu’il est probablement très difficile de trouver un Américain qui ne soit pas touché, de près ou de loin, par la violence des armes. Que faire de ce vertige, de cette nausée, lorsqu’on est l’un des romanciers les plus renommés du pays ? Pleurer, déplorer ne sont plus des options. Auster fait partie de ces Américains dont l’histoire résonne de coups de feu – sa grand-mère a abattu son grand-père, tragédie familiale entourée de silence. Les pistes qu’il explore pour remonter aux sources du mal sont multiples : accaparement brutal des terres par les premiers colons, résistance face aux Britanniques lors de la guerre d’indépendance, mouvement pour les droits civiques qui a parfois dû faire parler la poudre (avec les Black Panthers, notamment), interprétation maximaliste du deuxième amendement, augmentation des sources de frustration, notamment via les inégalités sociales, pour les hommes, auteurs quasi exclusifs des fusillades… Reste le mystère du passage à l’acte, que l’immense disponibilité des armes ne peut pas entièrement expliquer. Comme l’illustrent les photographies de Spencer Ostrander, qui s’est arrêté sur les lieux de plusieurs meurtres de masse désertés, le sang a beau avoir disparu, la tache invisible de l’horreur demeure.

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