Les rythmes au Moyen Âge
Une recension de Philippe Garnier, publié leQu’est-ce qu’un rythme ? C’est d’abord du temps, du mouvement, puis une répétition reconnaissable, que l’on identifie, que l’on attend. C’est, comme l’écrit Gilles Deleuze, « une durée déterminée par un accent tonique, commandée par des intensités ». C’est aussi bien une scansion de la vie sociale, comme les cloches qui sonnent à heures fixes, qu’un événement rare et attendu, comme une fête annuelle, un anniversaire, mais encore des gestes qui ne durent qu’une seconde -une façon de marcher, de parler, de respirer. Jean-Claude Schmitt s’est penché sur mille ans de rythmes médiévaux, intimes ou collectifs. Il a collecté, analysé, pensé cet objet insaisissable qui n’apparaît que dans la mesure où il est répété. Comment marchait-on au Moyen Âge, à quelle cadence ? Quelles étaient les formes et les fonctions de la danse ? Quels étaient les rythmes alimentaires et sexuels ? Ces questions sont des défis à l’historien, dans la mesure où elles atteignent une part très enfouie, peu accessible de la vie sociale.
L’âge moderne a bouleversé les rythmes quotidiens qui sont devenus, du même coup, un objet pour les sciences humaines, les arts, la littérature. Le rythme commence à poser question dès lors qu’il est perturbé. Dans l’art d’un Paul Klee, dans la musique d’un Stravinsky, il s’agit d’un jeu aussi bien visuel qu’auditif, et même tactile, où toutes les variations deviennent possibles. Tout phénomène sensible se donne aussi sous la forme d’un rythme ou d’une arythmie. C’est de cette sensibilité moderne, instruite par une perpétuelle crise du rythme que Jean-Claude Schmitt est parti pour explorer les profondeurs de la vie médiévale. Il déchiffre l’ordre et la régularité supposés des rythmes médiévaux à partir de l’expérience de l’accélération et des idiorythmes contemporains.
« Le livre ne laisse rien de côté, pas même les boiteux et les bègues »
Le livre est divisé en six parties comme les six jours de la création divine, rythme primordial qui scande la semaine des sociétés chrétiennes traditionnelles. Le premier jour est consacré à la confrontation des rythmes perturbés, fragmentés, individués, de la modernité au rythmus médiéval, qui est l’ordre du temps global des sociétés et de la nature. Le deuxième jour est consacré au corps, à ses gestes, à ses dérèglements. Le troisième jour, à la mesure du temps, où les fêtes et la liturgie occupent une place prépondérante. Le cinquième jour, à la mise en récit du monde et de l’histoire, avec notamment une analyse lumineuse de la tapisserie de Bayeux. Le sixième jour est consacré aux aryhtmies, avec des exemples singuliers mais qui font sentir la distance qui nous sépare de ce monde : l’impuissance sexuelle, ou la mélancolie, par exemple, sont considérées comme d’inquiétantes ruptures du rythme du monde. Le livre ne laisse rien de côté, pas même les boiteux et les bègues. Ainsi, l’arythmie et la perturbation se révèlent plus riches de sens que la régularité.
Sur une si vaste période, la question du rythme risquerait de se diluer à l’infini si elle ne portait pas à chaque fois avec elle de grands enjeux sociaux et politiques. Roland Barthes l’énonçait dans son séminaire sur le Neutre : imposer son rythme à l’autre, décider du rythme d’une collectivité, ou au contraire, faire prévaloir son rythme singulier dans le concert général, autant de questions où se cristallisent un rapport de force, une oppression, une conquête de liberté.
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