Les Psychonautes

Une recension de Alexandre Lacroix, publié le

Tenir embrassées des réalités disparates : tel est le tour de force de cet essai de Sinziana Ravini, qui propose au lecteur un voyage à travers l’art contemporain, la psychanalyse et la littérature. « Ces réflexions, annonce l’autrice, ont été écrites comme des associations libres sur un divan. » De fait, si la thèse centrale n’est pas très nouvelle – l’art explore le trouble, la part maudite –, ce sont ses associations d’idées souvent insolites et inédites qui valent le détour. Par exemple, Ravini compare malicieusement le métavers que Facebook s’apprête à construire aux techniques de lavage du cerveau chères à Mao Zedong. Elle évoque la communauté en ligne des incels, ou « célibataires involontaires », ces hommes convaincus d’être incapables de plaire aux femmes – de nombreux auteurs de tueries en sont issus. Puis elle fait le lien avec les prisonniers de la caverne, dans le mythe de Platon, qui, lorsque l’un d’eux s’est libéré de ses chaînes et cherche à les détromper, ont envie de le tuer. Elle oppose, encore, l’artiste allemand Gregor Schneider, qui souhaitait en 2008 trouver un malade en phase terminale volontaire pour passer ses derniers jours dans une salle de musée, et les cadavres « plastinés » de l’anatomiste allemand Gunther von Hagens, dont les expositions suscitent la polémique. Le projet de Schneider n’a pas eu l’aval des autorités. Mais son geste n’aurait-il pas été plus pertinent que celui, très kitsch, de Gunther von Hagens, en tant qu’il aurait permis de montrer la mort que notre société cache ? Ce qui est le plus réel est aussi ce qui nous paraît le plus fou, explique Ravini, car loin d’être rassurant et positif, « le réel fait trou ».

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