Le naufrage de la psychiatrie
Une recension de Ruwen Ogien, publié leFace à la souffrance mentale, la société française est en pleine confusion. D’un côté, les psy paradent en pleine lumière, dans les prétoires, les magazines, sur les plateaux de télévision. De l’autre, la folie est littéralement mise à l’ombre, vidée des hôpitaux publics, mal accueillie dans le privé, expulsée vers la prison. Les psy se portent en fanfare sur les lieux de tous les attentats et de toutes les catastrophes, mais on laisse des schizophrènes mourir dans un silence effrayant. D’un côté, le moindre désir un peu irrationnel est vu comme une pathologie gravissime, qu’il faut « diagnostiquer » au plus tôt, « accompagner », « soigner », et celui qui est supposé l’avoir causé est traité comme un criminel. De l’autre, les souffrances psychiques les plus terribles sont laissées à l’abandon, et ceux qui portent la responsabilité de cet état de choses ne sont pas inquiétés. Une telle inversion des priorités est dramatique.
Quand on s’intéresse plus aux crimes imaginaires qu’au démantèlement de services publics aux effets bien réels, quand on ne veut plus voir le terrible visage de la souffrance psychique, quand on oublie ceux qui la subissent, quand on les jette en prison pour ne plus les entendre, comme en des temps qu’on croyait révolus, ce sont des devoirs de justice élémentaire qui sont bafoués. En jetant ce cri d’alarme dans Le Naufrage de la psychiatrie, Sophie Dufau nous rappelle à ces devoirs. Au-delà de cette alerte éthique, ce qui fait la valeur philosophique de ce livre, c’est sa façon de nous faire prendre conscience d’une menace pour la pensée. Sophie Dufau met en relation la crise économique et sociale de la psychiatrie et le problème théorique du renoncement progressif au savoir psychanalytique au profit d’un modèle purement quantitatif, comportementaliste. Ce renoncement peut être vu comme l’une des causes de l’effondrement d’un certain rapport à la souffrance mentale. Il expliquerait pourquoi l’enfermement est redevenu légitime. On peut le voir comme une conséquence de changements politiques économiques et sociaux dans le sens d’une libéralisation massive.
On ne veut plus dépenser d’argent pour les nuls, les faibles, ceux qui commettent des ravages sociaux. On ne veut plus entendre parler de thérapies longues sans critères clairs de succès ou d’échec. Tout ce qu’on veut bien accepter, à la rigueur, ce sont des thérapies brèves, peu coûteuses, avec des résultats manifestes. Parmi les victimes de ce programme économique, politique et social, il y a non seulement ceux qui souffrent psychiquement, mais tout un pan de la connaissance humaine, qui n’a pas seulement une visée thérapeutique. Aux victimes de chair et d’os de la crise de la psychiatrie, il faudrait donc ajouter ces victimes « épistémologiques ». C’est tout un trésor de savoir sur nous-mêmes qui serait en train de partir en fumée et que Sophie Dufau nous demande de sauver.
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