La Vie rêvée du joueur d’échecs

Une recension de Nicolas Gastineau, publié le

L’absence de système est certes encore un système, mais plus sympathique », affirmait Tristan Tzara, l’un des fondateurs du dadaïsme. Une malice que revendique Denis Grozdanovitch, écrivain joueur ou joueur écrivant. Pas de système ? Paradoxal, car qui s’avance sur un échiquier sans connaître un seul système n’ira pas loin. Grozdanovitch le sait, mais il va tout de même très loin dans la flânerie. Des grands joueurs aux petites communautés d’amateurs, sa joyeuse promenade s’échappe rapidement des soixante-quatre cases pour poser une question métaphysique : pourquoi jouons-nous tous autant depuis si longtemps ? Pourquoi l’être humain ne cesse-t-il pas de danser au bord du précipice ludique, oscillant entre rêve et folie, jouant « à mort pendant plusieurs heures, jusqu’à oublier dans le feu de l’action que [sa] vie n’y était pas en jeu ? » Pourquoi tout ce bruit, toute cette dépense d’énergie ? Le livre offre de belles réponses : peut-être pour convertir nos pulsions conflictuelles en un échange harmonieux ; peut-être est-ce « une façon de participer aux rythmes à l’œuvre dans la nature ». L’auteur ne tranchera pas – ce serait trahir Tzara. Il s’en tiendra à imaginer son joueur rêvé : celui qui aime passionnément son objet sans en être obsédé, qui reconnaît les forces contraires de la raison et du hasard, et qui, du jeu à la philosophie, virevolte à l’instar du joueur d’échecs Mikhaïl Tal sans jamais le voir… comme un travail.

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