La Peur ou la Liberté. Un nouveau modèle politique face aux populismes

Une recension de Catherine Portevin, publié le

Sortir du duel délétère entre « le peuple » et « les élites », c’est la tâche que s’est fixée le philosophe Jan-Werner Müller. Au cœur de cette opposition, présentée comme l’unique alternative politique contemporaine, se trouve la définition problématique du libéralisme. Car les populistes, qui l’exècrent, comme les technocrates, qui le portent au pinacle, finissent autant les uns que les autres par détruire la démocratie. Contre cette confusion, Müller réaffirme les principes libéraux. Mais lesquels ? Dans sa traversée de l’histoire des idées, il s’oriente avec l’œuvre de Judith Shklar (1928-1992), méconnue en France. Marquée, comme Hannah Arendt, par son expérience du totalitarisme et de l’exil (née dans une famille juive en Lettonie, elle se réfugie au Canada, puis aux États-Unis, où elle enseigne à Harvard à partir de 1955), inspirée par le pluralisme des pouvoirs de Montesquieu et le scepticisme de Montaigne, elle a refondé un libéralisme qui fait pièce autant au néolibéralisme économique et autoritaire de Friedrich Hayek qu’au communautarisme de Charles Taylor. Le texte de Shklar, Le Libéralisme de la peur, donné en annexe met au centre du politique la cruauté humaine : éviter le pire, adopter le point de vue des victimes et les protéger, est la pierre d’angle de l’action de l’État et la seule garantie de la liberté. Un « libéralisme des opprimés », en somme, un « libéralisme d’en bas », résume Müller. Par cette (re)découverte de Shklar, il remet salutairement les idées au clair.

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