Intelligence artificielle, intelligence humaine. La double énigme 

ChatGPT, ce système développé par OpenAI capable de pondre un conte de fées à la façon de Shakespeare, a relancé le rêve d’une intelligence artificielle (IA) rejoignant l’intelligence humaine. Pourtant, le philosophe et mathématicien Daniel Andler le sait : chaque avancée de l’IA « semble consister à découvrir que l’intelligence n’est pas là où elle pensait en trouver une trace ». Tant pis, l’auteur reprend l’enquête depuis le début. D’un côté, le fil des évolutions de l’IA, et, de l’autre, les préceptes de la philosophie de l’esprit. Tout d’abord, au milieu des années 1950, l’IA symbolique reposant sur les procédures logiques et les symboles, modèle du rationalisme. Puis vient l’ère du « neurocalcul », modèle de l’empirisme, capable d’apprendre par induction et d’où découle le deep learning – la traduction automatique, les voitures autonomes, etc. Enfin, les « modèles massifs de langage » – comme Chat-GPT – semblent encore marquer une rupture. Ces réseaux sont capables d’apprentissage autosupervisé avec une aptitude imprévisible à créer et à se doter de capacités nouvelles par « accrétion » de données et de statistiques.

Dans une seconde partie, Andler fait un pas de côté inattendu : ne doutons pas de notre capacité à fabriquer des machines insoupçonnées mais révisons notre manière de définir l’intelligence « comme aptitude à résoudre des problèmes ». L’auteur met au jour une intelligence des « situations », qui règle en permanence le couplage entre le vivant et son environnement. Plus qu’une somme de capacités cognitives, l’intelligence est façonné par une infinité de facteurs environnementaux pendant des milliards d’années. Comment la raison humaine pourrait-elle recréer ce dont elle n’est que l’écume ?

Retrouvez un entretien avec Daniel Andler dans notre hors-série « IA. Le mythe du XXI^e siècle », en vente chez votre marchand de journaux le 11 mai.