Critique de l'opinion publique
Une recension de Laurent Etre, publié le1. Opinion et croyance
En 1901, dans un ouvrage précurseur, L’Opinion et la Foule (Éd. du Sandre, 2006), le sociologue français Gabriel Tarde explique que l’opinion publique, devenue centrale avec le développement de la presse au XVIIIe siècle, se pose en concurrente de la raison. Si Tönnies reconnaît aussi le rôle majeur de la presse dans la constitution d’un lien social entre les opinions individuelles, il estime en revanche que l’opinion publique ne saurait être renvoyée à de l’irrationnel, confondue avec des croyances populaires. La croyance se présente toujours comme inébranlable, tandis que l’opinion s’assume volontiers comme relative à l’état du savoir disponible. D’ailleurs, en allemand, « opiner » veut aussi dire penser, ainsi que le rappelle Tönnies.
2. Une « totalité soudée »
Les politiques la guettent autant qu’ils la redoutent, comme s’il s’agissait d’un tout homogène. Mais l’opinion publique n’est-elle pas intrinsèquement plurielle et conflictuelle ? Selon Tönnies, il en va d’elle comme d’une assemblée qui débat, puis rend une décision. Dans le premier temps, nous avons affaire à l’opinion publique en tant que « totalité extérieure d’opinions diverses contradictoires qui se font publiquement entendre » ; dans le second, c’est l’Opinion Publique (« avec majuscules ») qui se manifeste, à savoir une « totalité […] politiquement soudée ». Celle-ci représente un tout plus vaste que ses participants directs, comme un « peuple uni dans un État ».
3. États d’agrégation
Même si elle est devenue puissante dans l’État moderne, l’Opinion Publique n’est pas immuable. Elle connaît, comme la matière, différents « états d’agrégation ». De solide, son unité peut devenir fluide, voire volatile. Ainsi, l’Opinion Publique est solide quand, par une conviction pratiquement universelle, elle condamne l’autocratie. Mais que demain une autocratie déchue renaisse sous les habits du constitutionnalisme, la conviction gagne en passion, mais perd en homogénéité.
Le passage d’un état à l’autre est une affaire d’affectivité (crainte ou excitation). Car l’Opinion est toujours en lien avec les conflits de la société, partant, ses jugements ont une dimension morale, dont nulle statistique ne peut rendre compte.
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