Agonistique. Penser politiquement le monde
Une recension de Mathilde Lequin, publié le1. Le conflit, moteur de la démocratie
Si la politique, l’ensemble des pratiques et institutions organisant la vie humaine, vise à surmonter les conflits, le politique, la chose politique en elle-même, repose sur un antagonisme impossible à éliminer. Pourtant, l’opposition entre un « Nous » et un « Eux » n’est pas le fin mot de la démocratie. Car celle-ci transforme la « lutte entre ennemis » en une « confrontation entre adversaires », d’accord sur certaines valeurs. Il s’agit de donner à l’antagonisme une forme « agonistique » (du grec agôn, « conflit »). Ce terme souligne une négativité impossible à déraciner, puisque « tout ordre est instauré à travers l’exclusion d’autres possibilités ». Forcément « hégémonique », l’ordre politique est toujours contestable.
2. Ni néolibéralisme ni communisme
En prônant « l’agonisme », la philosophe met à mal le modèle néolibéral, rationaliste et individualiste, qui repose sur une dénégation du politique dans sa dimension conflictuelle. Dégommant le « mythe du communisme comme société transparente et réconciliée », elle a aussi la dent dure contre le mouvement des Indignés et sa stratégie de l’« exode », consistant à fuir les institutions. L’enjeu, au contraire, est de « créer une chaîne d’équivalences entre les revendications démocratiques » pour donner une forme institutionnelle aux divisions et transformer de l’intérieur l’ordre existant. Contre le « consensus au centre » actuel, seul le pluralisme radical des identités politiques permettra de sauver la démocratie.
3. La fondation d’un monde multipolaire
La conflictualité étant au cœur des relations internationales, l’appel à une « démocratie cosmopolitique » étendue à l’échelle mondiale est vain. Pire, c’est un discours qui suppose la supériorité rationnelle et morale de la modernité occidentale. Contre l’« unification politique planétaire », Chantal Mouffe en appelle à la « fondation d’un monde multipolaire », laissant coexister des modèles politiques et économiques différents. Quant à l’Europe, qui incarne au départ « une configuration agonistique [qui] a réussi à contenir l’antagonisme », elle pâtit aujourd’hui de l’idéologie du libre-échange et de la disparition des États-nations. Et aurait tout à gagner d’un modèle fédéraliste assumant l’hétérogène d’unités tant nationales que régionales.
Les philosophes ont jusqu’ici interprété le monde, il s’agit maintenant de le changer, écrivait Karl Marx. Nous avons donc demandé à quatre penseurs engagés leur idée préférée pour ébranler la domination capitaliste.
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