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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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La grande question

Y a-t-il des limites à la liberté d’expression ?

Frédéric Manzini publié le 27 novembre 2021 4 min

Peut-on tout dire, et même n’importe quoi, avec n’importe qui ? Blasphèmes religieux, diffamations, insultes racistes, théories délirantes, humour noir… Nombreuses sont les occasions où la liberté d’expression est aujourd’hui invoquée ou poussée dans ses retranchements. Il existe dans de nombreux pays, comme la France, des lois pour la limiter. 

Mais posons la question de principe : existe-t-il une limite à la liberté d’expression, ce fondement essentiel de la vie démocratique ? Ou bien toutes les opinions sont-elles bonnes à dire, y compris celles qui peuvent nuire ou faire du mal à autrui ? Les philosophes Spinoza, John Stuart Mill et Karl Popper nous aident à y voir plus clair.

 

Des caricatures de Charlie Hebdo aux propos agressifs ou polémiques, chacun en appelle volontiers à la liberté d’expression pour s’en réclamer ou s’en faire le défenseur. Mais celle-ci peut-elle être inconditionnelle ? Y a-t-il une forme de censure qui puisse être considérée comme bonne et légitime ou celle-ci est-elle toujours mauvaise ? Éléments de réponses avec Spinoza, Mill et Popper. 

 

Spinoza : la liberté de penser est absolue, et la liberté de s’exprimer doit l’être presque autant (mais pas tout à fait)

Chacun pense comme il veut, et la liberté de penser est un droit naturel et inaliénable, affirme Spinoza dans le chapitre XX du Traité théologico-politique (1672) : même si le pouvoir politique éprouvait le désir d’exercer un quelconque contrôle sur les consciences individuelles, elles lui échapperaient toujours et resteraient hors de son emprise. Mais si chacun est libre de penser comme il l’entend – et donc s’il faut défendre la liberté de philosopher –, cela signifie-t-il pour autant qu’il peut s’exprimer librement, c’est-à-dire communiquer ses idées ? La question est d’autant plus délicate que, comme le remarque Spinoza, les êtres humains ont toutes les difficultés du monde à taire ce qu’ils pensent… La réponse que le philosophe finit par adopter est subtile : selon lui, chacun « peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu'il n'aille pas au-delà de la simple parole ou de l'enseignement, et qu'il défende son opinion par la raison seule ; non par la ruse, la colère ou la haine, ni dans l'intention de changer quoi que ce soit dans l’État ». En effet, explique-t-il, certaines opinions qui appellent à la révolution ou incitent à la haine, par exemple, ne sont pas que de simples opinions dans la mesure où elles impliquent de véritables actions qui entraîneraient une rupture du pacte social liant les citoyens les uns aux autres sous l’autorité de l’État. De telles opinions, qui relèvent donc davantage de notre liberté d’agir (limitée, du fait du pacte social) que de notre liberté de penser (illimitée, puisque relevant du droit naturel), sont donc répréhensibles. 

 

Mill : on a tout à gagner à laisser les opinions s’exprimer, même les opinions fausses

Dans De la liberté (1859), le philosophe anglais John Stuart Mill met en garde contre toute forme de censure qui voudrait instaurer des limites bien dommageables à la liberté d’expression. Interdire des opinions, selon lui, ne pourrait causer que du tort pour tout le monde, non seulement pour ceux qui ne pourraient pas s’exprimer librement, mais également pour tous ceux qui seraient privés de connaître les positions de ceux qui seraient contraints de se taire. Mill, en effet, considère que chaque opinion individuelle est un bien précieux, pas tant pour celui qui l’exprime que pour la collectivité en général : selon lui, les opinions n’appartiennent à personne et sont un bien commun, de sorte que « ce qu’il y a de particulièrement néfaste à imposer silence à l’expression d’une opinion, c’est que cela revient à voler l’humanité ». Et ce sont ceux qui sont dans l’erreur qui tirent le plus grand profit des opinions, explique Mill, y compris des opinions fausses car, écrit-il, « si l’opinion est juste, on les prive de l’occasion d’échanger l’erreur pour la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un bénéfice presque aussi considérable : une perception plus claire et une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l’erreur ». Peu importe donc qu’une opinion soit vraie ou fausse : dans tous les cas, elle est un bienfait qui ne cause jamais de tort à quiconque.

 

Karl Popper et le paradoxe de la tolérance

Il y a un risque à admettre aveuglément toutes les opinions, selon l’épistémologue et philosophe des sciences Karl Popper, pour qui il existe un « droit de ne pas tolérer l’intolérant ». Dans son essai La Société ouverte et ses ennemis (1945), il prévient en effet qu’« une tolérance illimitée a pour conséquence fatale la disparition de la tolérance ». Pourquoi un tel paradoxe ? Parce qu’une société qui serait excessivement tolérante s’exposerait à subir les assauts des intolérants, au point de menacer les partisans de la tolérance elle-même. « Tant qu’il est possible de contrer l’expression des théories intolérantes par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire », précise-t-il, mais aussitôt que cette limite est franchie et qu’aux arguments répond la violence, alors la tolérance absolue n’est plus une vertu et devient une faiblesse. Limiter la liberté d’expression au nom de la liberté d’expression elle-même, ce n’est finalement pas plus contradictoire que la célèbre formule attribuée au révolutionnaire Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! »

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