Vote et démocratie sont-ils (vraiment) indissociables ?
« Le vote n’est pas forcément l’alpha et l’oméga de la démocratie », a affirmé récemment le député Manuel Bompard, nommé au poste de coordinateur de La France insoumise (LFI) sans consultation des militants. Une décision qui a engendré de nombreuses critiques tant à l’égard de l’élu des Bouches-du-Rhône que du mouvement lui-même. Qu’en pensent les philosophes, d’Aristote à Jacques Rancière, en passant par Jean-Jacques Rousseau ?
Bien des philosophes, de l’Antiquité à l’époque moderne, auraient sans doute donné raison à Manuel Bompard, lorsqu’il refuse de faire du vote le trait distinctif de la démocratie. Pour la plupart des auteurs classiques, la démocratie est définie bien davantage par le tirage au sort des magistrats et, éventuellement, des députés du peuple, investis du pouvoir législatif.
L’élection contre le sort
Déjà au IVe s. av. J.-C., dans Les Politiques, Aristote écrit qu’il « est considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu’elles soient électives ». Tel était bien le cas de la démocratie athénienne. Montesquieu le redira dans De l’esprit des lois (1748) : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le sort est une façon dʼélire qui nʼafflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir la patrie. » Rousseau, citant Montesquieu dans Du contrat social (1762), le réaffirmera : « La voie du sort est plus dans la nature de la démocratie. »
“Le sort offre une garantie considérable, là où le vote favorise le désir de pouvoir”
Si Aristote, Montesquieu et Rousseau évoquent la question sur un mode descriptif, sans porter de jugement de valeur (la démocratie est une forme de régime, le sort est son trait distinctif), Jaques Rancière réinvestit, dans La Haine de la démocratie (2005), la démocratie comme régime de désignation par le sort comme un idéal normatif. Le sort a en effet des qualités spécifiques que l’on ne retrouve dans aucun autre régime, à commencer par ceux d’élection par vote. Si « le bon gouvernement, c’est le gouvernement de ceux qui ne désirent pas gouverner », le sort offre une garantie considérable, là où le vote favorise le désir de pouvoir.
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