Politique

Vote des étrangers aux élections locales, logique?

Cédric Enjalbert publié le 2 min
61% des Français sont opposés à l’ouverture du droit de vote aux élections locales pour les étrangers, selon une enquête Ifop-Atlantico. Ce droit pourrait rendre la nation plus conséquente avec ses valeurs en matière de libéralisme politique.

Deux hypothèses pour un étranger en France : soit il est membre d’un des États de l’Union européenne et, en vertu du traité de Maastricht de 1992, il a le droit de vote et d’éligibilité aux élection locales et européennes dans n’importe quel pays membre ; soit il est originaire d’un pays extérieur à l’Union. C’est alors la Constitution de 1958 qui s’applique :

« Sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leur droits civils et politiques ».

Le lien naturel en France entre nationalité et citoyenneté empêche de penser une citoyenneté, un droit civil et politique, qui ne soit pas le corrélat de l’appartenance nationale. Ce ressort nationaliste dans une société libérale peut étonner.

 

Association libérale vs. communauté nationale

Mais l’intellectuelle israëlienne Yael Tamir montre, dans Nationalisme libéral (paru en anglais sous le titre Liberal Nationalism, en 1995 à la Princeton University Press) qu’il est en réalité commun. La philosophe remet en cause l'évidence de la distinction binaire : association politique libérale versus communauté nationale.

Elle souligne que l’État et la communauté sont en réalité des catégories intermédiaires : les États libéraux, malgré la revendication de leur caractère associatif, favorisent un droit du sang ; en retour, l’appartenance à ce type d’États suppose la reconnaissance d’un code et d’une culture partagée qui permettent la forme du débat social argumenté, mais aussi un consentement explicite à ces règles : l’appartenance effective n’est pas « automatique », elle relève en une participation politique.

C'est en exhibant ces valeurs implicites, sous-jacentes au libéralisme politique, qu'elle entend repenser l’argumentaire libéral lui-même. Pour être conséquent, il conviendrait de fait, dans la situation contemporaine des États multiculturels, de distinguer la nationalité et la citoyenneté afin que la sphère culturelle ne soit pas « le critère de participation à la sphère politique ».

 

Un nationalisme libéral

Pour Yael Tamir, c’est  paradoxalement en pensant à nouveaux frais le nationalisme et en l’épurant de ses peurs xénophobes, en le fondant de façon positive sur une forme d’autodétermination, d’attachement choisi et réfléchi indexé sur un sentiment d'appartenance et de participation politique, que l’on rendra au libéralisme, ainsi reformulé en un « nationalisme libéral », toute sa consistance.

Si l’on suit ce raisonnement, l’ouverture du droit de vote aux élections locales pour les étrangers, favorisant une reconnaissance et une obligation politique, rendrait plus conséquente la nation avec ses valeurs libérales et son ouverture au multiculturalisme.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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