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Exemple de gouffre géant, ou tiānkēng, dans le village de Luoquanyan, comté de Xuān’ēn (Hubei), en Chine. Ici en 2020. © Song Wen/Xinhua/Réa

Nature

“Tiankeng” : sous le sol, la forêt vierge

Octave Larmagnac-Matheron publié le 23 juin 2022 3 min

Une forêt vierge composée d’arbres de 40 mètres de haut au fond d’un gouffre de près de 200 mètres de profondeur… C’est l’étonnante découverte faite récemment par Chen Lixin et son équipe dans la province du Shaanxi, en Chine. Ce genre de formations, dites « karstiques », n’est pas rare dans le pays. Les méga-dolines, que les Chinois nomment poétiquement tiānkēng (天坑), « fosses célestes », n’en exercent pas moins un puissant pouvoir de fascination sur l’imaginaire. Rêvons un peu à ces surprenantes crevasses avec Gaston Bachelard.

 

  • Comme la grotte, le tiānkēng est un trou, une entaille dans la terre. Les deux, cependant, suscitent un imaginaire bien différent. Comme le montre Gaston Bachelard dans La Terre et les rêveries du repos (1948), la grotte rêvée est indissociable de son « entrée » : « La grotte est la demeure sans porte. […] La dialectique du refuge et de l’effroi a besoin de l’ouverture. On veut être protégé, mais on ne veut pas être enfermé. L’être humain sait à la fois les valeurs du dehors et du dedans. » L’abri de la grotte se situe sur le même plan, horizontal, que le dehors auquel il s’oppose. À ce dehors, la grotte est liée indéfectiblement. Comme demeure primitive, celle-ci offre simplement un refuge, une clôture face à l’immensité du monde ouvert, exposé aux colères du ciel. Elle est un îlot intégré à ce monde.
  • Le tiānkēng fonctionne sur un mode bien différent : celui de la verticalité. Le karst n’est pas une protection tellurique contre les forces du ciel. Il est au contraire tout entier exposé à la portion de ciel qui le surplombe. Entre le tiānkēng et le monde au-delà, au-dessus, nulle continuité. Le trou n’a pas d’entrée, il ne relève pas de la dialectique du dedans et du dehors propre à la grotte. Bien sûr, il est possible de descendre dans le tiānkēng. Mais la descente n’a pas l’immédiateté de l’entrée dans la grotte, où des villages ont pu être construits. La descente implique de s’équiper, de s’outiller, etc. Elle se place bien plutôt sous le signe de l’exception que du va-et-vient quotidien.
  • La grotte est une partie du monde. Le tiānkēng est un monde en lui-même : un monde en miniature, délimité par les parois qui l’enserrent. Ce monde miniature fonctionne sur le mode de l’isolement. Il n’est pas directement interconnecté aux autres milieux qui l’environnent. Les échanges entre cet univers et l’extérieur sont plus diffus, moins évident. Du point de vue de l’imaginaire, un tel lieu évoque immédiatement la rupture.
  • C’est, de fait, tout un écosystème singulier et quasi-autosuffisant qui, dans l’encaissement du tiānkēng récemment découvert comme dans les autres méga-dolines, a trouvé à s’épanouir : ici, une forêt primaire, « refuge pour la flore indigène arborée », en grande partie préservée des interférences extérieures – humaines, notamment. Toute vie, pour reprendre une expression de Peter Sloterdijk, a besoin de tracer autour d’elle une « sphère », de façonner un milieu qui lui est propre, d’établir une niche qui réponde à ses besoin. Cette sphère est toujours, cependant, exposée aux aléas venus de l’extérieur. Par son inaccessibilité, le tiānkēng limite ces aléas – c’est en tout cas le sentiment qu’il donne. La doline offre une assise stable, déterminée, à la sphère de la vie, et assure ce faisant l’équilibre d’un écosystème moins sujet aux migrations et aux transformations que le monde extérieur. Au fond de la « fosse céleste », le passé semble s’être figé. C’est ce qui rend, peut-être, le tiānkēng si fascinant. Il permet d’observer le fonctionnement propre d’un écosystème forestier résolument isolé.

 

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