Teresa Pullano : le nouvel état de l’Union européenne
Avec le Brexit, la pandémie est le second grand ébranlement de l’Union européenne en 2020. Pourrait-elle éclater ? Selon la philosophe italienne Teresa Pullano, le néolibéralisme anglo-américain se trouve à présent affaibli. Mais il laisse la place à un duel entre l’ordolibéralisme, cher à l’Allemagne et aux pays scandinaves, et les populismes.
« En Europe, la pandémie du Covid-19 a fait ressortir des contrastes parfois surprenants. Ainsi, l’Allemagne et l’Europe de l’Est ont été relativement peu touchées, tandis que l’Italie, la France ou l’Espagne ont essuyé un lourd bilan. La Scandinavie a presque été épargnée, mais le Royaume-Uni a souffert. Au Sud, la Grèce semble avoir été miraculeusement préservée. Comment interpréter ces disparités ? Il y a évidemment des facteurs d’explication d’ordre épidémiologique sur lesquels je ne me prononcerai pas. Mais ces inégalités ne révèlent-elles pas des différences plus profondes entre les nations, d’ordre à la fois politique, social et culturel ? Je proposerai deux hypothèses factuelles avant d’esquisser un cadre de compréhension plus philosophique de ces écarts. »
Péril dans les villes
« Ma première hypothèse factuelle vient d’un constat : lorsqu’on regarde la carte de la diffusion du virus en Europe, on s’aperçoit que les zones les plus touchées couvrent les villes de Londres, Paris, Bruxelles, Barcelone, ainsi que le sud de l’Allemagne et le nord de l’Italie. Géographiquement, cela correspond exactement à ce que, dans les études urbaines, on appelle la blue banana, c’est-à-dire l’axe historique de développement industriel et urbain en Europe. Curieusement, le virus n’a pas tellement pris en dehors de ces zones très urbanisées, alors que des porteurs du virus ont circulé ailleurs. En France, le président Emmanuel Macron a laissé le temps aux habitants de la région Île-de-France de partir massivement vers les campagnes la veille du confinement, et le même phénomène s’est produit en Italie avec un exode de Milan vers la Calabre ou la Sicile. Et pourtant, cela n’a pas déclenché une propagation phénoménale du virus dans les zones rurales. La ville de Wuhan en Chine, d’où est partie la pandémie, est un peu un équivalent asiatique de la Lombardie, très industrialisée et urbanisée. L’une des explications possibles, sur laquelle travaillent des chercheurs aujourd’hui, est que la pollution fragilise les poumons des habitants de ces pôles d’urbanisation et qu’ils se trouvent donc plus vulnérables au Covid-19.
Une seconde hypothèse factuelle est liée aux inégalités entre les différents systèmes de santé en Europe. En consultant les données publiées par Eurostat, j’ai pu constater que le niveau de dépense des États européens pour la santé, en pourcentage du produit intérieur brut [PIB], est assez similaire : environ 11 % pour l’Allemagne, la France et la Suède, 9,5 % pour le Royaume-Uni, 8,8 % pour l’Italie, avec une moyenne dans l’Union européenne [UE] située à 10 %. Cependant, si l’on rapporte les sommes investies dans la santé publique à la population, un tableau bien différent se dessine : la Suède dépense 5 200 euros par an pour la santé de chacun de ses habitants, l’Allemagne 4 300 euros, la France un peu moins de 4 000 euros, le Royaume-Uni 3 000 euros, et l’Italie 2 500 euros. Ceci montre que l’Allemagne a un bon suivi de la santé de chacun de ses citoyens et contribue peut-être à expliquer que la même menace virale s’y révèle moins létale qu’au Royaume-Uni ou en Italie. »
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