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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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En Turquie, à la frontière syrienne, un père ayant perdu une jambe lors de la guerre civile tient son fils né sans bras ni jambes à la suite d'une malformation congénitale. Cette photo de Mehmet Aslan a reçu le prix international de la photographie à Sienne (Italie). © Mehmet Aslan/Siena International Photo Awards 2021 – Photographer of the Year

Le choc de l’image

Syrie : et malgré tout, la joie

Octave Larmagnac-Matheron publié le 26 octobre 2021 3 min

« Hardship of Life » (« l’épreuve de la vie »). Tel est le nom du cliché du photojournaliste turc Mehmet Aslan abondamment partagé en ligne ces derniers jours, après qu’il a reçu le prix international de la Photographie de Sienne (Italie). 

Cette photo capture un instant de joie : Munzir, un Syrien ayant perdu sa jambe au cours d’un bombardement, soulève son enfant Mustafa, né sans membres inférieurs et supérieurs, à cause d’une maladie congénitale causée par les médicaments que sa mère Zeynep a dû prendre après avoir été victime d’une attaque de l’armée syrienne au gaz sarin. En dépit des horreurs de la guerre dont leurs corps sont les témoins involontaires, ce père et ce fils, aujourd’hui réfugiés en Turquie avec la mère de l’enfant, sourient. 

Pourquoi ce sourire nous bouleverse-t-il ? Éclairage avec le psychiatre et phénoménologue suisse Ludwig Binswanger et sa (très belle) conception de l’amour.

 

  • Cette photo nous touche profondément par le contraste qu’elle instaure. Contraste entre ce que nous, témoins lointains, y voyons – deux êtres brutalement mutilés – et la joie profonde que l’un et l’autre éprouvent. Comme si, dans ce face-à-face aimant entre un père et son enfant, la mutilation disparaissait. À cet instant, le père ne perçoit pas sa propre amputation, ni celle de son fils : il est, à ses yeux, entier, complet. Le regard perce, semble-t-il, au-delà de la chair et de ses tragédies. Il s’élance vers autre chose que, faute de mieux, nous pourrons nommer âme, laquelle demeure indemne, d’un seul tenant, en dépit des drames de l’existence dans le monde.
Mehmet Aslan | Siena International Photo Awards 2021 - Photographer of the Year
  • C’est, précisément, ce que nous fait ressentir l’amour, selon Ludwig Binswanger. Dans Grundformen und Erkenntnis menschlischen Daseins (« forme fondamentale et reconnaissance de l’être humain en tant que Dasein », 1942), le philosophe et psychologue définit l’amour ainsi : un « être dans le monde hors du monde ». Dans l’amour, nous éprouvons notre séparation d’avec la « réalité ». Nous ressaisissons notre propre intégrité : l’amour est une « ouverture ou un “être-ouvert” de [l’existant] pour son être-un, ou si l’on veut son être-tout dans la forme originaire du nous. » L’amour est une « plénitude », qui nous élève par-delà les limites étroites de notre finitude. À commencer par celle de notre propre corps, quand bien même celui-ci serait atrocement mutilé. Dans l’amour, nous sommes, d’abord, un nous. « Profondément unis au fond de la présence et “immergés” dans la nostrité aimante », nous sommes au-delà de nous-mêmes. Et c’est par cet écart, qui va à rebours du repli dans les limites étroites d’une chair brisée, que nous recouvrons le sens premier de notre existence : un « être-avec ». 
  • Ce nous, ce « Toi et Moi » échappe aux affres du temps, parce qu’il ne se fonde sur rien si ce n’est l’existence de deux êtres l’un pour l’autre. « En tant qu’instant éternel, l’amour n’a en fait ni histoire, ni destin ; il est an-historique, ou mieux, supra-historique. » Rien ne se passe, dans l’amour. Tout est déjà là, dès le départ. Le père et son fils, bien entendu, n’oublient pas les traumatismes vécus. Peut-être même sont-ils, en un sens, rapprochés par leur traumatisme commun. En tout cas, dans l’instant précis de ce face-à-face joyeux – Ludwig Binswanger soulignait qu’il ne pouvait s’agir que d’instants car le monde fini toujours par nous rappeler –, l’épreuve de la douleur et de la cruauté s’évanouit. Comme si rien n’avait changé, et que rien ne s’était passé. C’est ce qui nous bouleverse, sans doute, dans cette scène captée sur le vif et désormais rendue immortelle.
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Joie d’aimer, joie de vivre
À quoi bon l'amour, quand la bonne santé, la réussite professionnelle, et les plaisirs solitaires suffiraient à nous offrir une vie somme toute pas trop nulle ? Depuis le temps que nous foulons cette Terre, ne devrions nous pas mettre nos tendres inclinations au placard ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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