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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Syrie

Deux conceptions de la guerre mises à l’épreuve par le cas syrien

Alexandre Lacroix publié le 06 septembre 2013 4 min
Résonance / Chaque vendredi à 19h15 sur France Info, un membre de la rédaction de Philosophie magazine décrypte un fait d’actualité dans le journal de Bernard Thomasson. Ce soir Alexandre Lacroix intervient à propos du dossier syrien.

Chronique réalisée en partenariat avec France Info, tous les vendredi à 19h15 dans le journal de Bernard Thomasson

En philosophie, on aime bien faire des distinctions conceptuelles, c’est-à-dire qu’on essaie de clarifier les termes d'un débat. Et le dossier syrien, qui a occupé le devant de l’actualité cette semaine, nous donne l'occasion de dissiper une confusion possible à propos de la guerre.

En effet, il existe dans la tradition philosophique deux grandes conceptions de la guerre. Selon le philosophe et juriste allemand Carl Schmitt, la guerre est un moment particulier où toutes les règles du jeu habituelles sont suspendues. C’est-à-dire que la diplomatie s’efface, que les États ne sont plus en mesure de garantir la sécurité de leurs citoyens, que le risque de mort violente devient réel, que les tribunaux rendent une justice spéciale et expéditive. La guerre, selon Carl Schmitt, suspend le fonctionnement de la machine étatique. Du même coup, elle nous projette dans une situation archaïque, fondamentale, entièrement traversée par l’opposition amis/ennemis. En guerre, nous avons des amis – nos alliés – et des ennemis.

Il n’y a qu’un pas de la déclaration de guerre à la guerre totale

Or, il s'agit véritablement d'ennemis, pas simplement de concurrents économiques ou d'adversaires dans un débat d'idées. C'est pourquoi l’hostilité que nous nourrissons pour notre ennemi en cas de guerre est potentiellement illimitée : nous devons le mettre hors d'état de nuire, l'éliminer. Selon Schmitt, dont l'adhésion au national-socialisme n'est pas un mystère, mais qui n'en continue pas moins d'être largement commenté et étudié aujourd'hui chez les philosophes notamment de gauche, il n’existe pas tellement de garde-fous en période de combats : il n’y a qu’un pas de la déclaration de guerre à la guerre totale.
 

Cette vision des choses, développée dans une conférence de 1932 intitulée « La Notion de politique », s’oppose à une conception de la guerre nettement différente, qui fut elle avancée par un général prussien au début du XIXe siècle, Carl von Clausewitz. Clausewitz est l’auteur d’un traité de stratégie qui est encore aujourd’hui lu dans le monde entier et considéré comme un classique de la philosophie politique, De la guerre (publié à titre posthume en 1832). Aux yeux de Clausewitz - et la formule est restée célèbre - « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ».

Les États cherchent lorsqu’ils s’affrontent militairement à redéfinir leurs rapports

C’est-à-dire que nous ne recherchons pas à renverser ni à éliminer physiquement l’ennemi, mais que les actions militaires sont engagées dans le seul but d’entretenir des relations « normales », c’est-à-dire acceptables, avec un autre État. De ce fait, le fonctionnement habituel de la machine étatique n’est pas suspendu par la guerre. Les États cherchent au contraire, lorsqu’ils s’affrontent militairement, à redéfinir leurs rapports – et la guerre doit aboutir non pas à un massacre, mais à la signature d’un armistice, d’une paix négociée. La guerre totale est théoriquement possible, mais il faut tout mettre en oeuvre pour l'éviter.
 

Appliquons maintenant cette distinction conceptuelle à l’actualité. Ces dernières années, les États-Unis et leurs alliés ont tenté plusieurs guerre à la Schmitt  : le but de l’intervention en Lybie était de renverser Mouammar Khadafi, de même que l’intervention en Irak visait à renverser Saddam Hussein. Dans les deux cas, il y eut élimination physique du principal ennemi et de bon nombre de ses alliés. Pour autant, on ne peut pas dire que des relations normales aient été rétablies avec ces Etats ou que les buts officiels de guerre – mettre en place des régimes démocratiques en Lybie et en Irak – aient été atteints.

A l'opposé, l’intervention telle qu’elle est envisagée par Barack Obama ou François Hollande en Syrie procède d’une stratégie à la Clausewitz. Il n’est nullement question de renverser Bachar-el-Assad, car même si ce régime est atroce, il n’est pas évident de lui trouver un remplaçant. Si les rebelles (sunnites) parvenaient au pouvoir, non seulement il est peu probable qu’ils mettraient en place un régime démocratique, mais il risqueraient de procéder au massacre des populations chiites alaouites et chrétiennes (qui représentent respectivement 11% et 10% de la population syrienne).

Penser cette action militaire avec Clausewitz et contre Schmitt

Par ailleurs, la réplique de la Russie et de l’Iran, alliés du régime d’Assad, pourrait être terrible. C’est pourquoi il est plutôt question ici de punir de manière proportionnée et ciblée une exaction intolérable du régime, à savoir l’utilisation par les troupes d’Assad d’armes chimiques à l’encontre de la population syrienne. L’interdiction de l’usage des armes chimiques, qui figure dans tous les traités internationaux depuis le Traité de Versailles, a été assez bien respectée jusqu'à nos jours (à quelques exceptions près, les guerres de Mandchourie, du Vietnam et d'Irak/Iran). Dans la mesure où il y a prolifération des armes chimiques dans le monde contemporain, il est important que leur usage ne reste pas sans réplique. 


Tel est donc le cadre théorique d’une éventuelle intervention des alliés en Syrie : il s’agirait de penser cette action militaire avec Clausewitz et contre Schmitt, de procéder moins à une attaque massive qu'à une opération de police. 

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