Stratagème n°9. Répétez-vous!

Nicolas Tenaillon publié le 2 min

Comment s’en servir

Provoquez l’énervement de l’adversaire en répétant inlassablement le même argument. Imaginons, par exemple, que vous êtes contre l’impôt sur les grandes fortunes. On vous dit : « Cet impôt est juste. » Rétorquez : « Il fait fuir les capitaux. » On ajoute : « Il est une source importante de revenus pour l’État. » Dites : « Ne voyez-vous pas qu’il incite à investir à l’étranger ? » On réplique : « Il crée une solidarité entre les plus riches et les plus pauvres. » Répétez : « Moi, je vous dis qu’il pousse les meilleurs à s’exiler. » En continuant ainsi, vous avez de bonnes chances de gagner le débat par forfait. D’autant que, pour ne pas sembler obtus, vous prendrez soin de varier l’introduction de la répétition : « Je dis et je répète… », « Je vais redire autrement les choses… », « Comme je l’expliquais déjà tout à l’heure… », ou encore, ironiquement : « Au risque de me répéter… » Vous aurez alors produit un argumentum ad nauseam : un argument qui donne la nausée à force d’être martelé. Outre son aspect agaçant, ce stratagème présente un double avantage : il suggère que votre interlocuteur est lent à comprendre puisque vous vous donnez la peine de réexpliquer votre argument ; il vous permet de ne pas vous exposer à de nouvelles attaques puisque vous avez fermé votre argumentaire. Un personnage de l’œuvre d’Herman Melville illustre à merveille ce cas : c’est Bartleby. Employé chez un notaire à Wall Street, Bartleby, scribe consciencieux, décide un jour de refuser poliment son travail de copiste en donnant pour seul motif qu’il « préférerait ne pas » continuer à écrire. Cette réponse, invariablement répétée, déstabilisera son patron au point de l’inciter à déménager son étude dans un autre quartier.

Expresso : les parcours interactifs
Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
Sur le même sujet

Article
5 min
Nicolas Tenaillon

« Qu’importe la vérité si l’on est persuasif. » C’est pour Nicolas Tenaillon la conviction qui anime Gorgias lorsqu’il compose ce modèle d’exercice rhétorique. C’est ainsi que l’éloge d’Hélène devient l’éloge de Gorgias…







Article
5 min
Nicolas Tenaillon

Imaginons, suggère Nicolas Tenaillon, qu’on vous propose un emploi chez Monsanto alors que vous êtes au chômage, avec une famille à nourrir. Que faites-vous ? Allez-vous garder une morale pure et le ventre vide ou vous salir les…