Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© Alexandra Kinga Fekete pour PM

Slavoj Žižek. « Je hais Mai-68 »

Slavoj Žižek, propos recueillis par Frédéric Joly publié le 22 février 2012 15 min

C’est l’un des philosophes les plus connus et controversés au monde. Slavoj Žižek revient en force avec la parution en France de Pour défendre les causes perdues (Flammarion), où il explique que seuls la psychanalyse et le communisme peuvent nous sauver du bourbier de l’imbécillité. Dans cet entretien qui a failli tourner au pugilat, sa position est âprement discutée !

 

Une chambre d’hôtel à Berlin. On frappe à la porte, un homme barbu l’ouvre. Des cernes profonds. Une inscription sur son tee-shirt : You ask the questions (« Vous posez les questions »). Avec empressement, le Slovène, 62 ans, nous invite à s’asseoir sur le canapé. Lui ne reste pas en place. Pendant qu’il parle, et il parle beaucoup, son corps entier travaille. Le philosophe peste, plaisante, esquive. Il ne cesse de se martyriser le nez, gesticule, fait de drôles de signes à son interlocuteur. Chaque phrase est un combat. Chaque éclat de rire, une réconciliation.

Slavoj Zizek en cinq dates

  • 1949 Naissance à Ljubijana, en Yougoslavie (actuelle Slovénie)
  • 1981 Doctorat de philosophie à l'université de Ljubijana
  • 1981 Découvre la pensée de Jacques Lacan et entre en analyse avec Jacques-Alain Miller
  • 1989 Succès de son premier livre en anglais, The Sublime Object of Ideology (Verso)
  • Depuis 2007 Directeur du Birbeck Institute for the Humanities de Londres, il enseigne aussi à l'université de Ljubijana et à l'European Graduate School de Saas-Fee (Suisse)

La psychanalyse, qui joue un rôle très important dans votre œuvre, travaille beaucoup sur les souvenirs. Quel est votre premier souvenir lié à la philosophie ?

Slavoj Žižek : Je devais avoir 11-12 ans, j’étais plongé dans une encyclopédie de philosophie. Je ne sais pas comment, j’en suis arrivé à Kant, à la Critique de la raison pure. Cela m’a fasciné.

 

La psychanalyse souligne également l’importance de l’enfance, du père et de la mère. Comment vos parents ont-ils eu une influence sur votre vie ?

Je vais vous dire quelque chose qui me fera passer pour un monstre. J’avais fondamentalement de mauvaises relations avec mes parents, et quand je dis « mauvaises relations », c’est un euphémisme… Ils sont morts tous les deux et je ne suis jamais allé voir leurs tombes. Je me souviens du moment de leurs morts. Tous deux ont décédé la nuit, à deux ans d’intervalle. Et pour tous les deux l’hôpital m’a appelé le matin : « Votre père/votre mère vient de mourir. » J’ai demandé chaque fois : « Est-ce que tout est pris en charge ? Vous l’amenez au cimetière (tout le bla-bla) et tout est OK ? Merci bien. » Parce qu’il était chaque fois vers les 10 heures du matin, je me suis tout de suite remis à travailler. Je refusais l’idée que cela perturbe ne serait-ce que deux minutes mon travail.

 

Et vos parents n’ont plus joué de rôle dans votre vie ?

Il y a peut-être une exception, une chose, avec ma mère. J’ai toujours eu une phobie des photos. Les seules photos de moi que je possède sont celles dont vous avez besoin pour votre passeport, ce genre-là. Et je savais que ma mère avait chez elle une boîte contenant des centaines de photos de moi. L’après-midi même du jour où j’ai appris sa mort, je suis allé dans son appartement, j’ai ouvert la boîte et je les ai balancées, voilà la seule chose que j’ai faite.

 

Mais est-il vraiment possible de bannir ses parents de sa propre vie ?

Lorsque j’étais en analyse, mes analystes, naturellement, me posaient toujours et encore cette question, et je leur donnais une réponse sans ambiguïté : je me fous de savoir si cela est possible ou pas, c’est ce que je fais, tout simplement ! Maintenant, nous pouvons naturellement jouer à ces petits jeux freudiens et dire : je suis encore profondément attaché à eux, mon sentiment à leur égard est seulement bien trop négatif… Je m’en fous, je ne veux plus avoir affaire à eux.

 

Mais la psychanalyse…

Si vous me posez des questions sur ce qu’est ma vie, alors vous ne nourrissez aucun intérêt véritable pour moi ! Je n’aime pas beaucoup Orwell, le portrait du totalitarisme qu’il a donné est faux. Mais il y a cette scène merveilleuse dans 1984, où Winston Smith demande à cet homme – dont le nom m’échappe : « Dites-moi, Big Brother existe-t-il réellement ? » Et vous savez quelle est la réponse ? « C’est une mauvaise question. Ce n’est pas Big Brother qui n’existe pas. Vous n’existez pas. » En ce sens, c’est une erreur de traiter de ma personne. Ce qui importe, c’est la théorie. Je n’existe pas.

 

Pourquoi alors être si intéressé par la psychanalyse ?

Pour une seule raison : m’autoriser une lecture inédite de Hegel. Voici le centre véritable de mon travail : mon obsession fanatique pour Hegel. Je viens de terminer un livre sur lui, il sortira en Angleterre dans trois mois environ. C’est une folie totale, plus d’un millier de pages.

 

Quel rapport entre Freud et Hegel ?

Hegel avance un grand concept, le Selbstbewußtsein, la « conscience de soi ». Il défend l’idée d’une conscience de soi émancipatrice qui se reflète au cœur même du moi, a des répercussions telles qu’elle peut transformer l’être, comme un acte pratique. À mon sens, cette idée d’autoréflexion émancipatrice n’a survécu que dans l’œuvre de Freud.

Expresso : les parcours interactifs
Mes amis, mes amours...
Notre amour peut-il aussi être notre ami (et inversement) ? Vaste question, qui invite à analyser le rôle de l'amitié dans les relations amoureuses.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
Slavoj Žižek : “Dans l’ordre supérieur des choses, nous sommes une espèce qui ne compte pas”
Slavoj Žižek 16 mars 2020

Face à une catastrophe, nous éprouvons déni, colère, dépression, puis acceptation. Qu’est-ce que cela peut vouloir dire pour une épidémie à l…

Slavoj Žižek : “Dans l’ordre supérieur des choses, nous sommes une espèce qui ne compte pas”

Article
8 min
Slavoj Žižek. Quand nos cerveaux seront connectés
Slavoj Žižek 02 juillet 2019

La télépathie, un fantasme de science-fiction ? Non, une réalité si l’on en croit les dernières expériences sur la connexion cerveau-machine menées notamment par la société Neuralink d’Elon Musk. Mais au prix de dangereuses confusions…


Article
12 min
Slavoj Žižek. Peut-on se marier avec soi-même ?
Slavoj Žižek 20 janvier 2016

Prenant au sérieux le cas d’une jeune Britannique qui s’est unie à elle-même au printemps dernier pour manifester l’amour qu’elle se porte, le…

Slavoj Žižek. Peut-on se marier avec soi-même ?

Article
5 min
Slavoj Žižek. L’aventurier de la pop philosophie
Patrice Bollon 03 octobre 2012

Slavoj Žižek partage son temps entre la Slovénie, les Etats-Unis et l’Amérique latine. Capable de sauter d’une exégèse pointue de Heidegger à une…

Slavoj Žižek. « Je hais Mai-68 »

Dialogue
20 min
Isabelle Huppert, Slavoj Žižek. Le cinéma rend-il fou?
Jean-François Duval 28 avril 2010

Elle fut la présidente du jury du Festival de Cannes en 2009. Esprit baroque, il est aussi l’un des philosophes les plus cinéphiles. En ce mois de…

Isabelle Huppert, Slavoj Žižek. Le cinéma rend-il fou?

Entretien
11 min
Slavoj Žižek. « Il est permis de ne pas jouir »
Nicolas Truong 26 mars 2007

Qu’il prenne la défense du sujet cartésien, des systèmes métaphysiques ou des grands projets idéologiques, Slavoj Žižek se veut à l’opposé du scepticisme et de l’obscurantisme qui caractérisent l’époque « postmoderne ». Ce globe-trotter…


Article
7 min
Slavoj Žižek : “Ne me demandez pas de ‘vivre avec’”
Slavoj Žižek 01 octobre 2020

Intervention. Dans la tribune qu'il a tout récemment signée sur notre site, le philosophe Maurizio Ferraris s'élève contre l…

Slavoj Žižek : “Ne me demandez pas de ‘vivre avec’”

Article
7 min
Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”
Slavoj  Žižek 06 juillet 2021

L’inconnu est le principal problème auquel les sociétés contemporaines sont confrontées : tel est la leçon, selon Slavoj Žižek, de l’ancien…

Slavoj Žižek : “Rumsfeld s’est lancé, en amateur, dans une petite philosophie des relations entre le connu et l’inconnu”

Article issu du magazine n°57 février 2012 Lire en ligne
À Lire aussi
Les philosophes et le communisme. L’idée survivra-t-elle à l’histoire ?
Les philosophes et le communisme. L’idée survivra-t-elle à l’histoire ?
février 2014
Andrea Stocco: “Je suis la première personne au monde à avoir reçu un ordre d’un autre cerveau et à y avoir obéi sans savoir que je le faisais ni quand je le faisais”
Par Martin Legros
juillet 2019
Slavoj Žižek: “Si je le savais…”
Par Slavoj Žižek
mai 2016
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Slavoj Žižek. « Je hais Mai-68 »
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse