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Hors-série "L'art de ne rien faire"

"Skholè", "otium" : l’oisiveté des philosophes

Octave Larmagnac-Matheron publié le 22 juillet 2023 8 min

Et si, pour comprendre ce qu’est le loisir, nous nous tournions vers nos lointains ancêtres, Grecs et Romains ? La skholè et l’otium ne coïncident pas exactement avec ce que nous entendons par oisiveté. Ces vieilles notions dessinent, en creux, ce que pourrait être un temps libre parfaitement épanouissant.

 

C’est par un mot étrange que les Grecs désignaient ce que l’on traduit parfois par « loisir » ou « temps libre ». Quel rapport, en effet, entre la skholè et l’école, qui partagent une même étymologie ? Quoi de plus opposé, de prime abord, que l’étude laborieuse et la douce oisiveté ? Le détour par la racine indo-européenne des deux mots nous éclaire : le sens d’ékhô, c’est « posséder », plus exactement, « se posséder, être maître de soi ». Les hommes de la skholè, dans la Grèce antique, sont les hommes qui ont le loisir de cette possession : ceux qui ne sont pas aliénés à la nécessité excentrique de travailler pour subvenir aux besoins vitaux qui sans cesse les arrachent à eux-mêmes ; ceux dont l’existence ne se résume pas à répondre aux exigences les plus basses, les plus contraintes, du corps et de ses appétits ; ceux qui peuvent donc se consacrer aux choses élevées de l’esprit, que rien sinon nous-mêmes ne nous incite à étudier. Ainsi, la skholè n’implique pas tant l’inactivité que l’ouverture d’un espace d’activité pleinement autonome dans laquelle l’individu s’engage volontairement, sans y être contraint par des déterminations hétéronomes. Pierre Bourdieu la définit plutôt, dans ses Méditations pascaliennes (1997), comme un état « de loisir, de distance au monde et à la pratique », « temps libre et libéré des urgences du monde qui rend possible un rapport libre et libéré à ces urgences, et au monde ». C’est un rapport désintéressé au monde, affranchi des intérêts particuliers et tourné vers le général. Apanage de deux figures essentielles aux rapports complexes : politiques et philosophes – les hommes de la vita activa (« vie active ») et ceux de la vita contemplativa (« vie contemplative »), dira Hannah Arendt.

 

La skholè grecque

Avec Platon et Aristote, une hiérarchie nette se met en place. Arendt poursuit : « À l’ancien affranchissement des nécessités vitales et des contraintes, les philosophes ajoutèrent l’exemption d’activité politique », l’apolitia, pour caractériser la skholè la plus parfaite. Cette hiérarchie, déjà sous-jacente à la théorie platonicienne du « roi-philosophe », est largement approfondie par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. Le Stagirite y reprend ce double mouvement – disqualification des activités serviles, imposées, contraintes par la survie organique, et subordination de l’action politique à la contemplation, seule activité véritablement libre. « Si le travail et le repos sont tous deux nécessaires, le dernier est sans contredit préférable » ; mais, précise-t-il immédiatement, « il faut chercher avec grand soin à le remplir comme il convient ». Le repos ne doit pas être une pure inertie, une aergia. À quoi donc faut-il l’occuper ? « Ce ne sera certainement pas par des jeux. » Pas seulement, du moins. Car « le jeu est surtout utile au milieu des travaux. L’homme qui travaille a besoin de délassement, et le jeu n’a pas d’autre objet que de délasser. Le travail amène toujours la fatigue et la contention de nos facultés. Il faut donc savoir appeler à propos l’emploi des jeux comme un remède salutaire. » Bref, le délassement ludique n’a pas de sens par lui-même, il est seulement utile dans l’horizon du travail, qui lui-même est tourné vers autre chose : « On ne travaille jamais que pour arriver à un but que l’on n’a point encore atteint ; et, dans l’opinion de tous les hommes, le bonheur est précisément le but où l’on se repose, loin de tout souci. » Mais où donc trouver cet authentique bonheur du repos ? Le plaisir ne suffit pas, car il « n’est point uniforme pour tous » ; il n’élève pas l’homme au-delà de sa particularité. « Pour passer dignement son loisir, on a besoin de connaissances ; […] ces études doivent avoir pour but unique l’individu qui en jouit, de même que les études qui ont l’activité pour objet, doivent être considérées comme des nécessités. » Étudier dans le seul but d’étudier, en somme : voilà la clef de l’épanouissement de l’homme, de l’actualisation de la partie la plus haute de son âme, la partie intellective. Tous les animaux se reposent, mais leur repos est pure passivité. Il convient au contraire à l’homme, dans ce moment privilégié du repos, de réaliser cette puissance intellective qui, hors du repos, n’a guère le temps de se déployer.
 

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