La course aux vacances réussies, un mal de notre temps
Mine dépitée, fatigue, déception : les retours de vacances sont parfois marqués par l’impression fâcheuse de ne pas avoir réussi à honorer cet otium. Mais d’où vient le sentiment d’avoir gâché son temps libre ?
Dans un monde idéal, les vacances devraient être un repos radical, délesté de toutes corvées professionnelles. Et pour cause, l’otium est censé être la négation parfaite du negotium, qui désigne le monde du commerce et des affaires productives. Et pourtant, à bien y regarder, notre manière d’être en vacances ressemble étrangement à notre façon de travailler. Nous désirons jouir de notre temps libre comme d’un objet rare qu’il faudrait rentabiliser au maximum. Dans La Société de consommation (1970), Jean Baudrillard explique que le vacancier est « rivé à “son” temps […] comme force productive ». Il veut être le plus reposé, le plus bronzé, le plus heureux : le bon vivant par excellence. « Ainsi retrouve-t-on partout dans le loisir et les vacances le même acharnement moral et idéaliste d’accomplissement que dans la sphère du travail, la même éthique du forcing », écrit le philosophe.
Cet acharnement s’observe par exemple via ce que Baudrillard appelle une « mobilité effarée », qui consiste à courir frénétiquement d’un lieu à l’autre, pour cocher un maximum de case sur un guide du Routard. Le touriste frénétique s’épuise, se perd, se morfond dans le sentiment de ne jamais en faire assez et d’échouer à exploiter le « plein potentiel » de la région qu’il découvre. Ces réflexes encouragent à évaluer les vacances comme on jugerait un travail réussi ou un candidat adapté au poste. La déception d’un temps de loisir raté est semblable à celle d’un travail mal fait : le piètre vacancier se vit comme un mauvais employé.
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