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Shane MacGowan, le chanteur de ‘The Pogues’, en novembre 1986, à Saint-Malo. ©Frédéric Reglain/Gamma-Rapho

Sans Shane

Victorine de Oliveira publié le 06 décembre 2023 3 min

« Il y a des disparitions qui plombent plus que d’autres, et celle de Shane MacGowan, annoncée jeudi dernier, m’a arraché un petit “oh non !” solitaire face à mon écran de téléphone – comme si novembre n’était pas suffisamment déprimant comme ça. L’ancien leader des Pogues s’en est allé, et un certain esprit punk avec lui.

Honnêtement, cela n’avait pas grand-chose d’une surprise. Shane MacGowan était depuis longtemps malade et physiquement diminué, ne se déplaçant plus qu’en fauteuil roulant lors de ses dernières apparitions publiques. Un miracle, presque, qu’il ait tenu jusque-là : le chanteur avait la descente niagaresque, comme en témoigne cet épisode d’ivresse évidente devant la caméra, face à un journaliste qui a l’air tout aussi désespéré qu’amusé. Mais au-delà du folklore de l’Irlandais bourré quoique sympathique, Shane MacGowan incarnait une victoire : celle des moches et des déclassés qui sauraient toujours mieux faire rimer en vers leur désespoir que les winners en costard et aux dents bien rangées.

Dans la liste des questions qui n’ont de réponse qu’infinie, aux côtés de “pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?” figure “qu’est-ce que le punk ?”, avec pour corollaire “y a-t-il un esprit punk ?” À l’origine, non loin du junk, le punk désignait le bon à rien, ou seulement à jeter, dans une société thatcherienne où il fallait être efficace, productif et enthousiaste, parce que le libéralisme économique allait tous nous faire gagner. Sauf que ce bon à rien voyait venir l’arnaque et ne se laisserait pas écrabouiller sans protester. Pour ce faire, Shane MacGowan avait sa recette toute personnelle, faite de camaraderie, d’excès et de je-m’en-foutisme flamboyant, la cigarette toujours au bec, compagne fidèle mais fragile, pour mieux souligner l’intensité d’un refrain ou d’une métaphore.

Sommé de choisir un nom de groupe avant l’un de leurs tout premiers concerts, Shane MacGowan propose “Pogue Mahone”, transcrit du gaélique póg mo thóin, soit “embrasse mon cul”. Pour la radio, ils raccourciront plus tard en « the Pogues ». L’Irlandais au majeur levé devant un sourire édenté : telle sera désormais la figure punk incarnée par Shane MacGowan. Mais derrière le rictus moqueur percent à la fois la rage et la mélancolie. Car à trop tutoyer les limites, la cassure n’est jamais loin. Cela vaut toutefois le coup de jouer avec le feu, si on peut ensuite en tirer une bonne histoire à raconter. Sally MacLennane est de ces chansons épiques en forme de veillée mortuaire pour Jimmy, un gars qui, toute la nuit en jouant de l’harmonica au pub, “soulageait l’âme des tordus et des types en chien” de sorte qu’“ils avaient tous l’air très contents au petit matin”. Faut-il le préciser, Sally MacLennane est le nom du pub en question, pas d’une femme.

Difficile de saisir l’esprit du punk, notamment celui venu d’Irlande : comme toujours lorsque l’on cherche la définition précise de ce qui est avant tout un mouvement historique voué à se transformer sans cesse, on ne fait que tourner autour, s’approcher, dans un mouvement asymptotique frustrant. Une chose est sûre, il vit encore : le succès de groupes comme Fontaines D.C. ou de The Murder Capital en atteste. Les Pogues, c’était avant tout une bande de copains qui avaient l’air de bien s’amuser sur scène – jusqu’à ce que l’alcool provoque trop d’engueulades en coulisses. Rien n’était plus sérieux toutefois que leur fierté d’être les descendants d’une tradition celtique avec laquelle ils atteindraient le sommet des charts au milieu des années 1980. On tient toute leur essence dans l’ouverture de leur troisième album, If I Should Fall From Grace With God : des instruments traditionnels, les cris de joie gutturaux de MacGowan, et le refrain faussement léger. “Laissez-moi partir, les gars, laissez-moi être emporté par la boue, là où les rivières finissent toutes à sec.” Sauf si on en s’en fait couler une toute dernière. »

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