Rodin philosophe

Depuis le 16 janvier, les jardins du musée Rodin ont réouvert. Enfin un espace pour s’aérer au cœur de la capitale ! On peut, comme avant, y déambuler sur trois hectares de jardin et de roseraie. Ce jardin des sculptures, abritant quelques 200 œuvres du sculpteur Auguste Rodin, est organisé en deux parcours thématiques, Le jardin des sources, où il fait bon se rafraîchir, et Le jardin d’Orphée, au bout duquel on peut admirer le célèbre Orphée implorant les Dieux. Considéré comme l’un des pères de la sculpture moderne, Rodin est inspiré autant par la sculpture antique grecque et son idéal des proportions que par la représentation du mouvement et l’expressionnisme de Michel-Ange à la Renaissance italienne. Celui qui est passé maître dans la représentation des hommes et de leurs passions, se veut avant tout au plus près de la vérité et de la nature. Aussi dira-t-il : « Pour l’artiste digne de ce nom, tout est beau dans la Nature, parce que ses yeux, acceptant intrépidement toute vérité extérieure, y lisent sans peine, comme à livre ouvert, toute vérité intérieure. ». Allons découvrir cette vérité intérieure… en plein air.

• Un sculpteur du corps et du mouvement. Rodin est de ceux qui ont su rendre la sculpture vivante. Les corps en mouvement sont présents dans une majorité des pièces du sculpteur. Souhaitant représenter les passions humaines au plus près, il fait de la matière une médiation entre l’intérieur et l’extérieur. Rodin souligne ainsi : « Il est bien rare que j’aie représenté le repos complet. J’ai toujours essayé de rendre les sentiments intérieurs par la mobilité des muscles. »
• Une obéissance à la nature et une quête de vérité. Pour lui, le style cache, obstrue l’accès à la véritable nature. Aussi déclare-t-il : « Il n’y a de bon style que celui qui se fait oublier pour concentrer sur le sujet traité, sur l’émotion rendue toute l’attention du lecteur ». Rodin cherche avant tout à représenter la nature dans sa réalité la plus pure, n’ayant pour seule ambition que « de lui être servilement fidèle ». Son réalisme est tel que pour l’exposition de la statue L’âge d’airain, il est accusé d’avoir fait un moulage directement sur le modèle.
• Une « esthétique de l’inachevé ». Michel-Ange utilisait la technique du non finito, principalement pour des raisons matérielles, consistant à laisser une partie de la sculpture inachevée – sans bras ou sans jambes - ou non travaillée, en bloc. Rodin, lui, l’utilise au contraire à dessein. Une œuvre n’est jamais véritablement achevée pour le sculpteur. L’inachèvement de l’œuvre permet de penser son développement continu. Elle ne reste plus figée, mais peut se déployer dans l’esprit du spectateur, dans la durée. Cet inachèvement permet de compléter l’idée de mouvement et la vitalité des sculptures.

Et si le sujet vous passionne, vous pouvez visionner, écouter ou télécharger ici le cours du Collège de France, en accès libre, intitulé « Le non finito chez Rodin : l’émotion du statuaire livrée au public ».