Conseil n°2. Allons au musée Rodin afin de nous souvenir du baiser
C’est dans la première partie du XXIe siècle que le baiser fut définitivement prohibé. Les autorités, s’inspirant du bon roi Henri IV qui avait interdit le baiser afin d’éradiquer la peste, décidèrent qu’à nouveau, au temps du Covid-19, il fallait mettre au repos les muscles orbiculaires de la bouche. Certains esprits raisonneurs (il s’en trouve toujours) regrettaient que l’interdiction du baiser ait été plus facile à faire accepter aux populations que, par exemple, le contrôle des armes à feu aux États-Unis.
Il était acquis que le baiser était la source du mal. Porteur des maladies contagieuses, il était accusé de tous les maux. Il suffisait de le supprimer pour que le monde aille mieux. Le baiser, parfois abrité sous une porte cochère, n’était pas né de la dernière pluie. Certains prétendaient qu’il datait de la plus haute antiquité. Certains en avaient la nostalgie.
Car le baiser, on a beau dire, n’avait pas laissé que de mauvais souvenirs. Certains prenaient plaisir à passer le meilleur de leur temps au musée Rodin et à admirer ce que l’État français avait commandé à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris de 1889. Devant Le Baiser de Rodin, on entendait les soupirs du désir, on voyait couler les larmes du souvenir… Certains, se demandant si les réminiscences de cette époque heureuse quand les lèvres pouvaient s’approcher, se confondre, se mêler, n’étaient pas trop douloureuses, pensaient qu’au temps de l’interdiction, il ne fallait ni remuer le couteau dans la plaie, ni la langue dans la bouche.
Ainsi, on suggéra de réécrire les dialogues jugés trop suggestifs du film Quai des brumes…
« T’as de beaux yeux, tu sais, roucoulait Gabin.
— Tape-moi le coude, répondait Morgan.
— Nelly ! murmurait Jean.
— Tape-moi le coude encore », insistait Michèle.
Les gestes barrières ne facilitaient pas l’approche amoureuse. Puisqu’on ne pouvait plus s’approcher, il devenait difficile de faire des enfants. Sans baiser, l’amour devenait vain. C’est ainsi que la question de la reproduction était essentiellement réglée dans les laboratoires médicaux.
Souvenez-vous, du temps de l’ancien monde, je corrigeais les citations. J’aurais pu, hélas! transformer la phrase d’un philosophe contemporain (Alexandre Lacroix dans Contribution à la théorie du baiser), « Rien n’est plus destructeur, à la longue, que l’oubli du baiser », en « Rien n’est plus destructeur, à la longue, que la pratique du baiser ».
Gros bisous.
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