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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Sveta Zi/iStockphoto

Grand angle

Retraite : la fin du “bonheur différé”, par Denis Maillard

Denis Maillard publié le 11 janvier 2023 9 min

Et si l’attachement à la retraite des Français ne tenait plus à l’attente d’un repos ultime au terme d’une vie laborieuse et pénible, mais à la possibilité de faire retraite dès maintenant pour se réinventer dans un travail « amélioré » ?

C’est l’hypothèse originale que propose Denis Maillard dans cette tribune pour philomag.com, en revenant sur les transformations contemporaines du travail sous le coup de la nouvelle économie de services et de la culture de la consommation. Faute de prendre en compte ces bouleversements, la réforme proposée par le gouvernement ne peut manquer, selon lui, de susciter déception, opposition et rejet.


 

« Vous savez que j’ai toujours envisagé la retraite comme le port où il faut se réfugier après les orages de cette vie. » Cette remarque, faite par Voltaire en 1755 dans sa correspondance, reflète la vision classique de l’alternance des temps sociaux : après l’enfance insouciante et le temps de l’éducation, vient celui des tumultes de la vie adulte et du labeur qui s’achève dans la sagesse de la vieillesse et le repos de la retraite. Politiquement et administrativement, nous vivons encore sous l’empire de ce triptyque qui reflète l’imaginaire culturel dans lequel nous baignons collectivement. C’est parce que la vie est difficile et le labeur éreintant pour les corps que l’État social a conçu, dans la première moitié du XXe siècle, un système de dédommagement fonctionnant comme un salaire différé sous forme d’assurance : j’accepte de me sacrifier à un travail pénible, mais je dispose en compensation de revenus suffisants pour me reposer à intervalles réguliers durant les vacances puis, définitivement, à la retraite.

Ce système, que l’on peut qualifier de social-démocrate puisqu’il accepte d’aménager, au sein du système capitaliste, un espace de droits collectifs permettant de surseoir à la loi d’airain de l’exploitation, l’est aussi par la part belle qu’il fait à un imaginaire chrétien sécularisé : en effet, il semble accepter l’idée que le paradis n’est accessible à la créature que si celle-ci admet de souffrir ici-bas, notamment en gagnant son pain à la sueur de son front. Mais ce « bonheur différé », selon l’expression de l’historien Jean-François Sirinelli pour qualifier le mode de vie des Trente Glorieuses, n’est plus renvoyé à un monde au-delà de la vie, mais plus prosaïquement à un monde au-delà du travail : la retraite. Ceci explique aussi le peu d’empressement que notre société a mis à soulager les dégâts du travail – accidents, pénibilité, risques psychosociaux – puisque toutes ces nuisances trouvent logiquement leur correction dans ce « monde d’après », qu’il s’agisse de la retraite ou d’une utopique abolition pure et simple du travail.

Dans son ouvrage La Cité du travail (Fayard, 2012), le grand syndicaliste et homme politique italien Bruno Trentin a magistralement démontré pourquoi depuis le début du XXe siècle, la gauche politique et syndicale européenne s’est accommodée d’une certaine pénibilité au nom d’un paradis – socialiste, cette fois-ci, à venir après la Révolution – et a préféré négocier des « primes de nuisance » plutôt que de transformer le travail réel. On doit l’expression « primes de nuisance » au sociologue Henri Vacquin qui, dès les années 1970, expliquait comment chaque nuisance, chaque pénibilité ou détérioration des conditions de travail a été rachetée par des primes monétaires particulières : prime de salissure, prime de douche, prime de réveillon, prime de travail etc. En ce domaine, l’imagination sociale a été largement au pouvoir… Le problème avec un tel système, c’est que non seulement ces primes se fondent, au fil du temps, dans le salaire et deviennent des « avantages acquis » qui poussent à demander de nouvelles primes, mais surtout, elles n’obligent en rien à réduire la pénibilité du travail. De fait, l’amélioration des conditions de travail, sans cesse remise à plus tard, est « achetée » par des primes payées aujourd’hui dans le but de faire patienter jusqu’à demain. Par conséquent, qualité de vie et bien-être au travail sont en permanence rejetés dans le « bonheur différé » de la retraite. 

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