Reportage : face aux tensions, les policiers verbalisent
Nombre de citoyens et de gardiens de la paix constatent que les rapports entre population et police sont devenus plus violents depuis quelques années. Pour tenter d’y remédier, l’Académie de police et l’université de Picardie-Jules-Verne, à Amiens, ont créé un diplôme universitaire en sociologie réservé aux fonctionnaires en activité. Nous sommes allés à la rencontre de ces agents et de leurs formateurs.
Son commissariat de Seine-Saint-Denis, c’est sa deuxième maison. Trente ans de service à faire du terrain, de l’anticriminalité, de l’interpellation. Mais avec toute sa bouteille et ses cheveux gris, Thibault se vit comme un dissident. « On ne parle plus aux gens dans la rue. On s’est refermés. Nous ne pensons qu’aux chiffres d’interpellations à atteindre pour que la hiérarchie nous laisse tranquilles. On préfère aller chercher un sans-papier à la gare plutôt que de passer trente minutes à discuter avec un habitant. Quelqu’un vient déposer plainte sans sa carte d’identité ? Dehors ! Plus le temps, il faut interpeller ! Notre métier est social, et nous l’avons oublié. »
Lui continue à arpenter les rues des cités pour discuter avec des jeunes, leurs parents comme les employés municipaux, les gardiens d’immeubles ou les éducateurs. Pour un peu de cannabis, il ne verbalise pas systématiquement. « Mais quand je demande à Untel de grimper dans la voiture, il s’exécute. Et si jamais il fuit, je sais où il habite ou je connais sa famille. » Le fugitif se présente « le plus souvent » au poste, seul ou tiré par un parent. Alors « pas besoin de s’y mettre à trois ». Certains collègues n’approuvent pas ses méthodes, mais – privilège des anciens – sa hiérarchie le laisse tranquille. « L’autorité, ce n’est pas de jeter un menotté comme un sac à patates sans lui adresser autre chose que des injonctions. J’ai interpellé plus d’individus dans ma vie que la plupart des flics et je n’ai jamais eu affaire à l’inspection générale. Au centre commercial du coin, je croise des gars que j’ai envoyés dix fois derrière les barreaux. Cela ne nous empêche pas de discuter et de nous respecter. Ils savent que ce n’est pas parce que je leur ai couru après que je leur veux du mal. »
Renouer le dialogue
Face au débat inflammable autour des violences policières, aux violences physiques et psychologiques subies, au constat plus général d’une cassure entre la force de l’ordre et le citoyen, certains policiers doutent, s’interrogent, résistent ou raccrochent. Pour explorer cette question des relations entre la police et la population, l’Académie de police a décidé pour la première fois de financer un diplôme universitaire en sociologie dédié aux policiers en activité. Menée à l’université de Picardie-Jules-Verne d’Amiens, la formation regroupe vingt-trois chercheurs spécialistes de la sécurité et de ses acteurs. Afin de « trouver quelques réponses », Thibault s’est inscrit, comme ses 49 autres camarades. « Quand on a ouvert les candidatures, le téléphone n’arrêtait pas de sonner, c’était infernal. Nous avons dû refuser beaucoup de monde », se rappelle Mathieu Fiolet, sociologue au sein de l’Académie de police. À la lecture des lettres de motivation des candidats, on constate le besoin de prendre du recul sur la profession, de comprendre la crise des vocations et la violence croissante dans les interactions quotidiennes, l’envie de décloisonner une police trop refermée sur elle-même, de saisir les évolutions de la société pour agir plus efficacement. « Certains pensent même que la sociologie peut aider à réformer l’institution policière », ajoute Fiolet.
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