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Analyse

“Race” contre classe ? Quand la convergence des luttes tourne au pugilat idéologique

Nicolas Gastineau publié le 06 janvier 2021 3 min

Un spectre hante la gauche : le spectre identitaire. C’est du moins ce que soutiennent l’historien Gérard Noiriel et le sociologue Stéphane Beaud dans un article du Monde diplomatique intitulé « Impasses des politiques identitaires » qui dénonce la « racialisation du discours public » en France. Dans la critique des inégalités, le concept de « race » serait pour eux en train de supplanter celui de « classe ». Autrement dit, l’identité d’une personne (ici noire ou blanche, ailleurs femme ou musulmane) deviendrait le premier principe de l’injustice subie – reléguant au second rang la classe sociale. #BlackLivesMatter contre Karl Marx ? Noiriel et Beaud choisissent le second, affirmant qu’on ne peut rien comprendre « si l’on oublie que la classe sociale d’appartenance reste [...] le facteur déterminant autour duquel s’arriment les autres dimensions de l’identité. » Comme de bien entendu en 2021, ce rappel à l’ordre ou à l’orthodoxie marxiste a déclenché une tempête de réactions courroucées (telles que celle de Rokhaya Diallo) et de messages de soutiens (comme celui de l’Observatoire des inégalités), sur Twitter et par blogs interposés. « En quoi les dominations liées au genre ou à la race seraient-elles moins importantes ou moins dignes d’intérêt (que la classe) ? », rétorque par exemple le chercheur Philippe Marlière. La polémique, qui tourne autour de la pertinence du concept d’intersectionnalité, soulève une question fondamentale sur ce qui définit une identité sociale. Analyse. 

 

  • Dans le viseur de Noiriel et Beaud : l’intersectionnalité. Popularisée par l’avocate et professeure afro-américaine Kimberlé Williams Crenshaw en 1989, cette théorie veut articuler la classe à d’autres référents de l’identité jusqu’alors jugés secondaires, comme le genre ou l’appartenance à une minorité ethnique. Pour suivre la métaphore géométrique, l’intersection deviendrait alors le point de rencontre de ces lignes d’identités opprimées : être une femme, être noir(e), être pauvre. Et de fait, l’intersection serait la seule position depuis laquelle on prendrait pleinement la mesure de ces oppressions convergentes. La critique classique des inégalités, objectiviste et matérielle, défendue par Noiriel et Beaune aujourd’hui, se méfie de cette approche. Pour eux, elle constitue « une régression par rapport aux principes fondateurs de la sociologie » en ce qu’elle ne reconnaît pas sincèrement l’importance des multiples facteurs, mais transforme l’identité (en l’occurrence, l’origine ethnique) en « bulldozer » qui écrase les autres déterminants.
  • Pour les tenants de l’intersectionnalité, c’est tout l’inverse. Cette approche visant précisément à articuler les vécus, elle ne saurait par définition pas conduire à la souveraineté a priori de l’un ou l’autre des facteurs : « C’est bien pour éviter les écueils d’une analyse qui catégorise les groupes selon un seul axe identitaire, un seul rapport de pouvoir – le genre ou la classe, la race ou la classe – que le concept d’intersectionnalité a été forgé », rétorquent les sociologues Eléonore Lépinard et Sarah Mazouz dans une réaction au billet de Gérard Noiriel. L’intersection est pour elles une co-construction de plusieurs identités dont le dosage n’est jamais donné par l’avance, mais inscrit dans l’expérience de chaque sujet.
  • Le nœud philosophique du problème, c’est donc la place accordée au vécu. Lépinard et Mazouz se revendiquent, pour situer la science sociale intersectionnelle, d’une « épistémologie du point de vue ». Pour comprendre les rapports de domination, il faudrait «produire une capacité d’analyse collective qui prend le point de vue des dominés, et qui fait donc une large part à leurs expériences. » D’où l’apparition d’un concept comme celui de « race », qui n’a pas de substance objective (au sens d’une donnée biologique) mais contient une réalité vécue – celle d’une personne dite « racisée », à qui l’on renvoie l’image de sa couleur de peau. Quand l’intersectionnalité promeut un récit des vaincu(e)s par eux-mêmes, Noiriel voit dans cette méthodologie le point de départ d’un « enfermement identitaire » : « Privilégiant les éléments de leur identité personnelle que sont la religion, l’origine ou la race (définie par la couleur de peau) », « ils seraient incités à se représenter le monde social de manière binaire et ethnicisée – le “nous” [...] versus le “eux”. » Une controverse méthodologique donc, mais dont on commence à réaliser qu’elle charrie de lourdes conséquences politiques.
Pour aller plus loin : le grand voyage de Marx en Amérique
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