Quel est le meilleur angle d’attaque pour faire face à la crise écologique ?

Philomag vous propose chaque semaine une sélection d’articles parus dans la presse française et étrangère, rassemblés autour d’une thématique commune. Des articles qui nous ont surpris, questionné, dérangé. L’occasion de découvrir de nouveaux points de vue sur le monde et les événements qui font l’actualité. 

Cette semaine, une question : quel est le bon angle d’attaque pour affronter la crise climatique ?

La crise écologique est à la fois partout et nulle part. Partout, car, des pluies diluviennes aux mégafeux, ses effets se font de plus en plus palpables aux quatre coins du globe. Nulle part, car, au-delà de ses manifestations, le dérèglement est un tissu de facteurs, de problèmes d’ampleur mondiale entrelacés les uns aux autres et dont il est bien difficile de démêler l’écheveau. Alors, comment faire face ? Comment inventer un « récit de l’action […] dans un monde troublé » – selon l’expression de l’historienne Frédérique Aït-Touati ? Peut-être faut-il commencer par varier les échelles, comme le suggèrent plusieurs articles parus dans la presse internationale.

Dipesh Chakrabarty : penser au niveau planétaire

La crise climatique est, sans conteste, un problème mondial. Cependant, comme l’explique l’historien indien Dipesh Chakrabarty dans un entretien accordé à Scroll.in, il y a (au moins) deux manières d’envisager cette échelle collective. La première approche est « globale » : « Le globe est le nom que je donne à ce que les humains ont créé. Il fait référence à la connectivité technologique […] qui relie le monde et rend possible l’épanouissement humain à très grande échelle. » Le globe reste, en ce sens, une « catégorie anthropocentrique » un peu hors sol, qui met la nature à l’écart. Raison pour laquelle il faut, selon Dipesh Chakrabarty, passer au second niveau, qu’il nomme « planétaire » : il s’agit de penser le « système Terre » dans toute sa complexité, où se mêlent les « processus biologiques et géologiques », et les processus techniques. Sans cette vue d’ensemble, nous sommes impuissants. 

Gilles Allaire : penser l’agriculture

La crise écologique se joue fondamentalement dans la manière dont l’homme accapare et exploite les ressources de la nature. À la charnière entre nature et culture, entre le domestique et le sauvage, le « système » agricole est donc un enjeu majeur, trop souvent ignoré. C’est particulièrement vrai, alors que la population mondiale dépasse les 7 milliards d’êtres humains. « Nourrir les hommes » est un problème que nous devons aborder de front. Et si une partie du problème était cette manière, utilitaire, de faire de la production rationalisée « l’objectif premier des sciences agronomiques sous la forme d’une course au rendement » ? C’est l’idée qu’avance Gilles Allaire dans une enquête en deux parties publiée sur le site AOC. Pour l’agronome, une agriculture vraiment écologique ne peut se contenter de soutenir l’alimentation mondiale de manière durable : elle doit aussi être lieu d’un « réenchantement » du monde, de notre rapport au végétal, à la vie, à la nature. Ne pas se contenter, en somme, de produire les denrées « indispensable pour combattre la faim » mais des biens qui « procurent enthousiasme et ivresse ».

Nicholas P. Money : penser avec les champignons

Surmonter la crise écologique implique non seulement un changement de nos pratiques, mais un changement de nos manières de voir le monde. Se soucier du sort de la nature induit une attention nouvelle aux innombrables formes de vie qui l’habitent. C’est ce à quoi s’emploie le biologiste américain Nicholas P. Money dans un article paru sur le site Psyche… et consacré aux « preuves d’une intelligence des champignons » ! Comme il l’explique, « pour répondre au besoin de créer les liaisons les plus courtes entre ses sites alimentaires, la moisissure réalise les mêmes économies que les architectes humains » : elle construit des réseaux, des structures qui ressemblent, comme deux gouttes d’eau, à nos constructions humaines. Les parallèles ne s’arrêtent pas là. Money évoque même l’hypothèse d’une « conscience fongique ». Une plongée fascinante au cœur du vivant !