Que dit-on vraiment en disant “merci” ?
« Merci » est un mot que nous employons à de nombreuses reprises, chaque jour. Le plus souvent, comme signe de gratitude… mais pas seulement. Audrey Jougla passe en revue les multiples sens philosophiques de ce terme.
Il faut d’abord comprendre l’ambivalence du mot « merci », qui peut être masculin (sens le plus courant) ou féminin.
Une question de déférence
Au masculin, le terme « mercit » en ancien français, est employé à la fin du IXe siècle au sens de pitié, de miséricorde ou encore de grâce (d’où le terme anglais de mercy, qui l’emprunte au français en ce sens), comme le note l’historien du langage Claude Duneton dans La Puce à l’oreille. Anthologie des expressions populaires avec leur origine (1978). Puis, au XIVe siècle, on dit « mercit » pour remercier son interlocuteur, lui exprimer sa gratitude. L’idée commune est celle de déférence, qui jalonne l’histoire de ce mot.
Au féminin, en effet, la merci, du latin merces (« marché »), évoque une situation asymétrique entre deux personnes, où l’une épargne son prisonnier, mais reste libre de fixer le prix de sa libération. On parle ainsi du fait d’être « à la merci », pour désigner une situation de vulnérabilité face à la domination ou au pouvoir de nuisance potentiel d’autrui, ou encore du fait d’être « corvéable à merci », pour signifier un abus de pouvoir. Les genres féminin et masculin sont liés : clémence d’un côté, assujettissement de l’autre, ces deux acceptions donnent une indication quant à la position occupée par celui ou celle qui dit « merci ».
Un “merci” à interpréter
Le remerciement s’avère plus complexe qu’une simple formule de politesse, comme en témoigne l’analyse conversationnelle. Cette discipline, fondée par le sociologue américain Harvey Sacks à la fin des années soixante en Californie, a pour but de saisir la compréhension, par ses propres acteurs, d’une organisation sociale alors totalement inédite comme champ de recherche : la conversation.
Émanant de l’anthropologie linguistique et de la dialectologie américaine, deux disciplines qui s’interrogent sur les usages du langage, l’analyse de conversation permet de montrer qu’un même énoncé n’a ni les mêmes valeurs, ni les mêmes fonctions selon le contexte. Son objet est « le discours dans l’interaction », selon les sociolinguistes et linguistes Michel de Fornel et Jacqueline Léon, dans l’article « L’Analyse de conversation, de l’ethnométhodologie à la linguistique interactionnelle » (2000).
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