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Bélarus, le 15 novembre 2021. Dans la ville frontalière de Hrodna (Grodno) au Bélarus, des réfugiés se pressent, côté biélorusse, contre les barbelés de la frontière polonaise, derrière lesquels stationnent les forces de l’ordre polonaise. © Oksana Manchuk/BelTA/TASS/Sipa

Crise migratoire

Quand les migrants deviennent des “munitions” humaines

Nicolas Gastineau publié le 16 novembre 2021 3 min

Après Lampedusa, après Calais, après Gibraltar, l’actualité vient de franchir un nouveau pas en matière de crise migratoire. Dans un froid mordant, logés dans des camps de fortune, des milliers de migrants – originaires pour la plupart du Moyen-Orient – sont pris en étau à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, depuis plusieurs jours. Ils ne peuvent ni reculer vers Minsk, ni avancer vers la Pologne, qui garde porte close et annonce même la construction d’un mur. Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des questions migratoires, nous raconte comment ils ont été instrumentalisés par le pouvoir biélorusse, qui leur a fait miroiter une entrée facile en Europe… pour en faire les instruments d’un conflit géopolitique.

“Une attaque hybride”

C’est le terme utilisé par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki sur son compte Twitter. Lundi 8 novembre, l’Europe découvre à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie (ou Bélarus) les visages de cette “attaque” : des milliers de migrants, hommes, femmes et enfants, installés dans des camps de fortune et prisonniers d’un no-man’s land glacial, coincés entre les barbelés polonais et les forces de sécurité biélorusses. Qui « attaque » qui, alors ?

Virginie Guiraudon est spécialiste des questions migratoires et de leur gestion par l’Union européenne. Elle raconte que depuis le mois de juillet, l’aéroport de Minsk, capitale du Bélarus, est le théâtre de mouvements suspects : « On estime que 15 000 individus ont été amenés à Minsk depuis l’été, jusqu’à 800 personnes par jour, en provenance d’une vingtaine de pays comme l’Irak ou les pays du Golfe. » Le Bélarus de Loukachenko leur a vendu « des espèces de packages, incluant le billet d’avion et un visa touristique, pour un prix estimé entre 3 000 et 5 000 euros. »

Une fois à Minsk, les migrants montent dans des bus et sont emmenés à la frontière avec la Pologne. On leur a promis, explique la chercheuse, « qu’ils arriveraient très vite et sans difficulté en Allemagne ». Mais une fois à la frontière polonaise, le piège se referme. Devant, les soldats polonais interdisent le passage. Derrière, « des forces de sécurité biélorusses qui tirent en l’air, les violentent et les forcent à avancer ». Les migrants sont pris en tenaille, au milieu du mois de novembre, avec des températures négatives la nuit. À ce stade, Virginie Guiraudon évoque « une dizaine de morts », sans que l’on puisse exactement en dire plus.

Un révélateur de nos contradictions

Pourquoi le gouvernement de l’autocrate Alexandre Loukachenko, en bras de fer permanent avec l’Union européenne à propos des atteintes aux droits humains sur son sol, organiserait un « coup monté d’un tel degré de sophistication » ? La réponse est dans la question, répond Guiraudon : « L’idée est clairement de déstabiliser l’Union européenne. Ce que veut Loukachenko, c’est montrer nos ‘contradictions’ et notre ‘hypocrisie’ ». Ici, l’Union européenne soutient la Pologne alors qu’en refusant le passage et en refoulant les migrants, elle s’est « mise complètement hors-la-loi » au regard du droit européen, rappelle la chercheuse, en infraction « de la Convention de Genève, du principe de non-refoulement, de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’homme et des directives européennes sur le droit d’asile ». Et les Biélorusses de filmer la scène, avec leurs drones-caméras qui tournoient au-dessus des migrants qu’ils ont eux-mêmes acheminés, comme pour dire : « Vous voyez ! »

Un usage stratégique des migrants sans précédent

Rarement l’instrumentalisation des migrants avait atteint un tel degré de cynisme. Et pourtant, l’idée ne date pas d’hier. Faire de la pression migratoire un moyen de négocier avec l’Union européenne, c’est une idée qu’ont déjà eue d’autres « pays-frontières, qui en tirent une rente géographique » : la Libye avec les migrants d’Afrique subsaharienne, le Maroc avec l’enclave de la Ceuta ou la Turquie d’Erdoğan avec les réfugiés syriens. « Mais à ce degré-là, c’est inédit », confirme Virginie Guiraudon, stupéfaite.

On remarque que dans cette affaire, les migrants sont la fois omniprésents et quasi-absents, décrits en termes impersonnels, comme s’ils étaient privés de volonté, toujours objets et jamais sujets. L’expression « attaque hybride » fait tourner cette dépersonnalisation à plein et « entraîne même un glissement sémantique – dans la presse polonaise, on lit parfois que ce sont les migrants et non la Biélorussie qui attaquent la Pologne, alors qu’ils ne sont pas armés », s’alarme la chercheuse. De fait, le Bélarus se sert ici des migrants comme d’armes vivantes pour se confronter à l’Union européenne. Au registre des horreurs de la guerre, on connaissait déjà les civils employés comme boucliers humains : le « dernier dictateur d’Europe » Alexandre Loukachenko a cette fois-ci transformé des migrants en munitions.

À lire : Au Bélarus, des arrestations arbitraires sur terre comme dans les airs
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