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Acarien des cils : micrographie électronique à balayage couleur d’un cil, et d’un acarien (Demodex folliculorum), un parasite inoffensif qui vit à l'intérieur des follicules pileux humains. © SPL/sciencephoto.fr

Biologie

Quand les acariens fusionnent avec notre peau

Octave Larmagnac-Matheron publié le 11 juillet 2022 3 min

Le Demodex folliculorum, arachnide microscopique qui vit à la surface de notre peau, est-il en train de fusionner avec le corps humain ? Si le terme de fusion peut sembler prématuré, le séquençage récent de leur génome laisse peu de place au doute : « Ils ont moins de gènes que les autres espèces d’acariens. Ils fonctionnent avec moins de protéines – leur répertoire de protéines est le nombre le plus réduit jamais vu chez ce type d’espèces. » Logés dans nos pores, les acariens y trouvent tout ce qu’il leur faut : nourriture, abri, etc. Cette situation confortable – sans menace et sans compétition – les a conduits à abandonner certaines fonctions physiologiques. Ils ne se déplacent plus vraiment, et vivent comme enracinés en nous. Un exemple frappant de certains concepts de la biologie contemporaine : niche, co-évolution, sélection, etc. Éclairage.

 

Niche écologique

Le concept de niche écologique, introduit par le biologiste (eugéniste) Roswell Hill Johnson et théorisé dès 1917 par Joseph Grinnell dans « The niche relationships of the California Thrasher », désigne l’ensemble des conditions, physico-chimiques (température, humidité, etc.) et biologiques (interactions avec les autres espèces voisines) nécessaires à la survie d’une population d’organismes dans un habitat donné. En l’occurrence, le Demodex folliculorum a élu domicile dans une niche singulière, qui remplit – en ne devant fournir quasiment aucun effort – l’ensemble de ses besoins : la peau de l’être humain.

 

Co-évolution

La niche, cependant, n’est pas un réceptacle passif et statique que l’espèce investirait simplement. L’immense majorité des espèces transforment leur milieu de vie – ce qui permet en général de limiter l’énergie et les déplacements nécessaires à l’obtention des ressources vitales. C’est tout l’enjeu des théories de la « construction de niches ». Réciproquement, l’environnement influence l’évolution des espèces, dans le sens d’une plus grande adaptation. C’est le sens de la sélection naturelle dans la théorie de l’évolution de Darwin. Mais, comme l’ont montré le biologiste Paul R. Ehrlich et le botaniste Peter Hamilton Raven (« Butterflies and Plants: A Study in Coevolution », 1964), l’évolution est aussi infléchie par l’adaptation aux autres espèces voisines : c’est le principe de co-évolution. Dans le cas de l’acarien de l’épiderme, les deux dimensions tendent à se confondre puisque le milieu de vie s’identifie, en grande partie, à une autre espèce (l’homme).

 

Symbiose

Toutes les relations de co-évolution ne sont pas pacifiques. La relation prédateur-proie, par exemple. Le prédateur évolue dans le sens d’une plus grande propension à attraper sa proie. Mais, dans le même temps, la proie évolue de manière à échapper à son prédateur. La co-évolution maintient donc, dans ce cas, un écart. La symbiose, théorisée en 1879 par le microbiologiste Anton de Bary (Die Erscheinung der Symbiose), une autre forme de co-évolution coopérative, fonctionne dans l’autre sens : celui d’une fusion progressive. Chacune des espèces tend à abandonner les fonctions superflues, en particulier les fonctions redondantes avec celles de l’autre. C’est exactement ce qui se passe dans le cas du Demodex folliculorum : parfaitement satisfait par son milieu épidermique, l’acarien de la peau possède moins de cellules que les autres ; ses pattes sont beaucoup moins fonctionnelles (puisqu’il n’a pas besoin de quitter les pores qui l’abritent) ; il ne produit plus de mélanine, puisqu’il en trouve dans la peau humaine. « On parle d’une adaptation extrême à l’hôte. […] À tel point qu’ils font partie de notre corps », explique la journaliste scientifique Mathilde Fontez. Et nous en tirons un certain profit : « Ils nous sont même plutôt utiles, parce qu’ils nettoient en permanence nos pores. »

 

Espèces spécialisées

Cette adaptation extrême fournit de nombreux avantages. Mais aussi de nombreux inconvénients. L’acarien, par son évolution, est devenu une espèce très spécialisée, qui exploite avec une très grande efficacité, et une grande économie d’énergie, les ressources de son environnement. Mais cette spécialisation est aussi une fragilité. Elle fonctionne seulement tant que l’environnement auquel l’acarien s’est adapté reste stable. En cas de changement brutal, de crise, la survie de l’espèce spécialisée est mise en péril – au contraire de celle de l’espèce généraliste, qui trouve toujours à se débrouiller. « Ils sont devenus totalement dépendants de nous pour vivre. […] Les chercheurs craignent que [les acariens] se soient mis dans une impasse évolutive : ils pourraient ne pas survivre à nos propres évolutions. » Leur évolution, en effet, est désormais au ralenti : « Lorsqu’un être vivant n’est plus exposé aux menaces extérieures, il n’y a plus de compétition, plus de brassage génétique. » En somme, il se pourrait bien que les acariens disparaissent, à terme.

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