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Marcel Proust en 1900. © Domaine public

Proust écolo !

Martin Legros publié le 29 août 2022 3 min

Pour ce billet de rentrée après la pause estivale, alors que vous êtes sans doute dans un état mental encore flottant, lestés des souvenirs et du repos des vacances mais déjà propulsés vers les échéances de la reprise, notre rédacteur en chef Martin Legros vous livre, comme pour suspendre encore un peu le temps, une petite révélation issue de ses lectures de l’été : À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust.

 

« Je me suis plongé cet été dans la lecture d’À la recherche du temps perdu de Proust, que je n’avais lu que de manière fragmentaire jusqu’ici, et plus précisément Du côté de chez Swann, le premier tome. Cela a été un éblouissement, et je n’ai eu de cesse d’interrompre mes proches dans leur propre lecture afin de leur faire entendre à voix haute les passages sur la musique et le sommeil, sur l’amour et la jalousie, sur la mémoire et le temps, où vibre ce phrasé unique qui semble étirer la langue dans des arabesques interminables pour capter la vérité d’un moment, d’un être ou d’un lieu. Mais cet éblouissement s’est trouvé redoublé du fait que ce qui m’a attaché à cette œuvre tient à tout autre chose qu’à l’image convenue que je m’en faisais, et qui m’avait éloigné de Proust jusqu’ici, selon laquelle il était l’écrivain des préciosités de la vie mondaine ou de la mémoire des choses futiles, du temps retrouvé dans le temps perdu. Non, dans son premier tome en tout cas, la Recherche est d’abord une exploration passionnée de la nature, du sensible et des sensations. Et, loin d’exhumer un monde perdu, celui de la haute bourgeoisie normande et parisienne de la fin du XIXe siècle, cette exploration est d’une précieuse actualité. Je m’explique.

Qu’il évoque le clocher d’une église à Combray, le serpentement d’une rivière comme la Vivonne, un morceau de musique comme la sonate de Vinteuil ou un visage aimé comme celui de sa mère ou de Gilberte… À chaque fois, il s’agit pour Proust de faire ressentir comment les êtres et les choses qui nous environnent peuvent s’imprimer au plus profond de nous jusqu’à devenir constitutifs de ce que nous sommes. Cependant, à la différence des Romantiques dont les extases avec la nature conduisent à absorber son extériorité dans le Moi ou à projeter sur elle le reflet de ses propres turpitudes, Proust cherche à capter ce que contient et ce qui se dérobe dans le sensible, convaincu que notre participation corporelle aux choses et aux êtres est le levier qui nous permet de nous comprendre nous-mêmes.

Pourquoi ce clocher qui fait “l’effort pour lancer son souffle au cœur du ciel”, ce nuage “oisif” qui “flâne dans le ciel férié”, ce plissement d’un sourire sur un visage contrit sont-ils si précieux et doivent être saisis avec la plus grande attention ? Parce qu’ils “cachent quelque chose qu’ils invitent à venir prendre”, quelque chose qui est “analogue à une jolie phrase” – puisque c’est sous la forme de mots qu’elle est captée – mais qui dépasse le langage, car elle recèle “les gisements profonds de notre sol mental”. Exemple simple : “Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l’avait heurté, suivi d’une ample chute légère comme de grains de sable qu’on eût laissé tomber d’une fenêtre au-dessus, puis la chute s’étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c’était la pluie.”

En rupture avec le naturalisme des Modernes qui considère que les choses, telle la pluie qui tombe, sont privées d’intériorité et de volonté, et obéissent à des lois invisibles qui les mettent en mouvement du dehors, comme la gravitation, Proust invite à nous y rapporter comme à des êtres animés, “à y croire comme en un être sans équivalence”. Cette prose du sensible fait bien plus que nous émouvoir. Elle donne à penser que pour sauver la nature de la dévastation, il faut peut-être d’abord réapprendre à la voir, à la sentir, à la nommer. Voilà une ambition qui semble malheureusement absente d’une grande partie de l’écologie contemporaine, encline à parler de “ressources naturelles” plutôt que de monde sensible. Et qui pourrait pourtant la vivifier. »

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