Pourquoi détruisons-nous la Terre ?
Philomag vous propose chaque semaine une sélection d’articles parus dans la presse française et étrangère, rassemblés autour d’une thématique commune. Des articles qui nous ont surpris, questionnés, dérangés. L’occasion de découvrir de nouveaux points de vue sur le monde et les événements qui font l’actualité.
Cette semaine, une question : pourquoi détruisons-nous la planète ? Faire face à la catastrophe climatique suppose de comprendre, pour y remédier, ce qui nous pousse à abîmer notre environnement, alors même que nous sommes désormais largement conscients des effets néfastes de l’activité humaine.
Serge Latouche : “Nous sommes toxicodépendants du système de croissance”
L’économiste et essayiste Serge Latouche propose, dans 20 Minutes, deux pistes pour expliquer pourquoi nous persévérons dans la destruction de la planète. Une piste cognitive d’abord : « Nous savons très bien qu’on va dans le mur, mais même en le sachant, on n’y croit pas, on refuse d’y croire ». Seconde piste, l’addiction : « Tout comme les drogués, on sait qu’on est en train de se détruire, mais on refuse d’entreprendre une cure. Nos sociétés sont consuméristes et créent un besoin artificiel de dépendance au surplus, notamment avec la publicité. Nous sommes insatisfaits de ce que nous possédons et nous cherchons à satisfaire notre manque avec ce que nous ne possédons pas encore, mais cela est une fausse vision du bonheur. » Comment parvenir à se sevrer ?
Il y a quelques semaines, le chercheur en psychologie cognitive Thierry Ripoll et le neuroscientifique Sébastien Bohler avançaient une explication biologique à notre inaction climatique, et à notre obsession productiviste, dans un entretien croisé paru dans Le Monde : « Notre matériau neuronal nous fait repousser l’idée de [nous] autolimiter. […] Nous continuons à produire de plus en plus de nourriture, de plus en plus riche, pour cette partie fondamentale de notre cerveau, qui n’est pas programmée pour s’autolimiter. » Des chercheurs battent aujourd’hui en brèche cette affirmation : « Cette thèse, qui n’a pas fait l’objet d’une expertise contradictoire, est sans fondement scientifique. Elle repose sur un mésusage des neurosciences, une lecture psycho-évolutionniste dévoyée et une méconnaissance des sciences humaines et sociales. » À leurs yeux, cette insistance sur le déterminisme biologique conduit à occulter la dimension politique du problème. L’absence de fondement ne signifie pas, cela étant, l’inexactitude. La question reste donc ouverte.
« Pourquoi quelqu’un voudrait-il saccager le monde vivant ? Même les milliardaires désirent sûrement une planète habitable et belle… […] Nous souffrons d’une profonde incompréhension des raisons pour lesquelles de telles personnes agissent comme elles le font. » C’est ce paradoxe que souligne l’essayiste George Monbiot dans le journal britannique The Guardian. À ses yeux, « nous ne parvenons pas à distinguer les préférences des intérêts, et les intérêts du pouvoir. Il est difficile pour ceux d’entre nous qui n’ont aucun désir de pouvoir sur les autres de comprendre les individus qui l’ont. Nous sommes donc déconcertés par les décisions qu’ils prennent, et les attribuons à d’autres causes improbables. » C’est pourtant bien ce qu’il se passe : « Ce n’est même plus une question d’argent pour eux. C’est une question de puissance brute : regarder le monde ployer devant eux. Pour cette course au pouvoir, ils détruiraient la Terre. » La destruction comme expression du pouvoir.
Frédéric Lordon : “Le capitalisme est écocide, c’est-à-dire anthropocide”
La cause de la catastrophe climatique a un nom : capitalisme, affirme le philosophe Frédéric Lordon, qui revient à la charge dans Le Monde diplomatique. Cette responsabilité, le capitalisme lui-même la reconnaît… et parvient pourtant à s’en tirer, par une promesse technique : « La promesse du nettoyage capitaliste des petites salissures capitalistes. Le détraquement de la planète était un effet collatéral. Voilà que sous couleur de “réparer”, ce mot si caractéristique d’une période qui bousille mais ne veut rien changer, sous couleur de réparer, donc, le système-terre change de statut : d’extérieur où s’enregistraient quelques regrettables bavures, il devient l’objet même de l’intervention directe des humains – en fait de quelques humains, mais complètement tarés, et à qui tous les pouvoirs démiurgiques sont remis au nom d’une fantasmagorie technique. » Absurde, pour Lordon : « Une force, le capitalisme, qui a pour concept l’indéfini de l’accumulation de valeur, donc pour essence d’ignorer toute limite, ne va pas s’inventer une limite “de l’intérieur”. »
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