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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Mauvaises langues

Pourquoi aimons-nous tant les potins ?

Marius Chambrun publié le 18 janvier 2022 4 min

Avec le voisin, entre amis ou au bureau, avouons-le, nous raffolons (presque) tous des ragots ! Souvent désignés comme de la médisance, les discussions de comptoir, rumeurs et autres bruits de couloir font partie de notre quotidien : il semblerait que l’on ne puisse pas s’empêcher de s’immiscer dans la vie des autres, de la commenter, bref, de nous mêler de ce qui ne nous regarde a priori pas. Ce bavardage est-il un poison pour nos relations sociales, ou peut-on trouver une vertu à nos commérages ? Que veulent-ils dire de nous et de notre rapport à autrui ?

Venez jaser avec quatre penseurs, de Plutarque à Norbert Elias en passant par Thomas d’Aquin et Blaise Pascal.

Par curiosité mal placée

Plutarque (46-125)

La curiosité est un vilain défaut, surtout lorsqu’elle se nourrit du malheur des autres. C’est en tout cas l’avis développé par le philosophe et biographe grec Plutarque, qui désigne dans son texte De la curiosité les commérages comme un appétit pour les drames de la vie d’autrui. Les ragots que l’on échange n’ont pas pour but de partager des nouvelles heureuses, mais plutôt de « raconter qu’une fille a été séduite, qu’une femme a trompé son mari, qu’on prépare un procès, que des frères se sont brouillés ». Toutes ces peines font pourtant partie de notre jardin secret et n’ont pas vocation à être révélées sur la place publique. Échanger des potins est alors une « manie d’apprendre ce que les autres cachent », symptôme d’une méchanceté gratuite : « Rien de bon, rien d’agréable n’entre et ne circule dans l’oreille de l’homme curieux. » Les ragots, loin d’être un simple bavardage, sont donc l’expression d’une véritable maladie que le Grec nomme « la joie du chagrin des autres » – idée que l’on retrouvera bien plus tard chez Freud, lorsqu’il développe le concept allemand classique de Schadenfreude. Mêlez-vous de ce qui vous regarde !

Pour nuire à la réputation d’autrui

Thomas d’Aquin (1225-1274)

Ce n’est pas parce que les autres commettent des fautes que nous devons les révéler au grand jour. Au contraire, pour le théologien Thomas d’Aquin, jaser sur les erreurs d’autrui dans son dos est en soi-même un péché car cet acte n’est pas effectué dans une bonne intention, comme il l’écrit dans sa Somme théologique. Le seul but des potins est selon lui de « noircir la réputation de son prochain », en insistant spécifiquement sur « les fautes qui sont de nature à ruiner ou à diminuer sa réputation ». Il n’y a donc pas d’intention louable aux commérages, et celui qui s’adonne à ce loisir n’a pas d’autre but que de salir l’image d’autrui et de l’exclure du groupe : « Proférant secrètement de telles paroles, il crée, autant qu’il le peut, chez ceux qui l’écoutent, une mauvaise opinion de celui qu’il dénigre. » Bref, tout cela n’est pas très chrétien…

Pour jouer la comédie

Blaise Pascal (1623-1662)

Lorsque nous échangeons des ragots, nous ne nous embarrassons pas de savoir si ce que l’on dit est vrai. C’est même le propre des commérages : ce qui compte, c’est moins leur vérité mais le fait de vouloir y croire. Pascal déplore dans ses Pensées cet appétit pour les fausses histoires, qui n’est pour lui que le symptôme de notre haine de la vérité : « Nous voulons être flattés, on nous flatte ; nous aimons à être trompés, on nous trompe. » Puisque cette haine de la vérité est aussi celle de celui qui la dit, nous préférons nous réfugier dans le mensonge des commérages : « On ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter. Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. » Les potins sont le reflet de notre hypocrisie, ce qui fait dire à Pascal que « peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas. »

Pour “faire communauté”

Norbert Elias (1897-1990)

Peu importe que l’on jase sur ses voisins, ce qui compte, c’est de partager quelque chose avec notre cercle social. Voilà le point de vue de l’écrivain et sociologue allemand Norbert Elias qui ne porte pas un regard moral sur les ragots, mais sociologique : il faut moins s’intéresser au contenu des potins qu’à leur rôle de ciment social au sein d’un groupe d’individus. Dans son article « Remarques sur le commérage » (in : Actes de la recherche en sciences sociales, 1985), il écrit qu’une « communauté soudée a besoin d’un abondant flux de potins pour faire tourner les rouages ». Si nous partageons au quotidien des histoires sur les autres, ce n’est pas pour médire mais pour créer de l’animation dans nos vies : « Les nouvelles de chacun, de tous ceux qui sont publiquement connus, rendent la vie intéressante. » Le commérage est donc utile au vivre-ensemble, et la curiosité n’est pas malsaine lorsqu’elle se partage avec les autres : « Le point essentiel n’est pas seulement qu’on a de l’intérêt pour les autres, mais que cet intérêt est partagé. »

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Comme d'habitude...
On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
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