Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

La chanteuse Anne Sylvestre, portrait non daté. © Lecoeuvre photothèque/Collection ChristopheL/AFP

Hommage

Petite philosophie des chansons d’Anne Sylvestre

Clara Degiovanni publié le 30 novembre 2022 5 min

Le 30 novembre 2020, la chanteuse Anne Sylvestre nous quittait. Deux ans après la mort de cette autrice-compositrice-interprète, dont la carrière connaît aujourd’hui un regain d’engouement, nous analysons la puissance philosophique et littéraire de quatre de ses chansons devenues populaires en France.

Le doute

Les Gens qui doutent (1977)

 

« J’aime les gens qui doutent / les gens qui trop écoutent / leur cœur se balancer », chante Anne Sylvestre dans cet hommage aux indécis, composé en 1977. Contre l’assurance des individus pétris de certitudes, la chanteuse loue l’inconstance de ceux qui tâtonnent et bafouillent. Ces « ratés du cœur » sont « moitié dans leur godasse et moitié à côté ». Aux yeux du monde, ils passent donc bien souvent « pour des cons ». Trop modestes et trop « poires » pour reconnaître leur valeur, l’histoire ne leur rend jamais les honneurs. Mais sous la plume de Sylvestre, leur maladresse devient une force. Derrière leur incertitude se cache une forme de modestie et de respect des autres. Ces individus « n’osent s’approprier les choses / encore moins les gens », nous dit Sylvestre : c’est là leur plus belle qualité. La douceur de leurs doutes et de leur humilité pourra peut-être supplanter la violence de certains dogmes. Au lieu de s’en moquer, « qu’on les remercie, qu’on leur dise / on leur crie merci d’avoir vécu ! », exulte la chanteuse.

 

Anne Sylvestre, Les Gens qui doutent (1977)

À lire en écoutant la chanson : Philippe Vilain, Confession d’un timide (Grasset, 2010)

Le mythe

Une sorcière comme les autres (1975)

 

« Je vous prie ne m’inventez pas / vous l’avez tant fait déjà », supplie la chanteuse dans l’un de ses titres les plus célèbres, composé en 1975. « Inventer une femme », c’est en faire un mythe, un personnage de légende, une héroïne romanesque. Si à première vue il n’y a pas de mal à cela, la musicienne dénonce les effets délétères de cette création des femmes par le regard masculin. La femme ainsi fantasmée devient souvent « une servante », « une ignorante » ou encore une « putain couverte de satin ». Dans tous les cas, on ne lui demande pas son avis : la « vraie femme » n’est pas sollicitée dans la construction de ces histoires. Sylvestre chante ainsi « Vous m’avez faite statue / et toujours je me suis tue » ; la « sorcière comme les autres » du titre se situe à l’opposé de ce « mythe ». La vraie femme de la vie quotidienne est une sœur, une fille, ou une mère dévorée d’inquiétude pendant que ses fils « jouent à la guerre ». Comme « un volcan qui n’en peut plus », elle « dévoile des richesses inconnues » lorsqu’elle entre en irruption. Il faut lui laisser de la place pour se mouvoir et faire exploser sa puissance : « S’il vous plaît, faites-vous léger / moi je ne peux plus bouger », gémit la chanteuse. Il s’agirait donc aussi de la laisser parler et exister au lieu de souhaiter sans cesse la réinventer.

 

Anne Sylvestre, Une sorcière comme les autres (1975)

À lire en écoutant la chanson : Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, tome 1 : Les Faits et les Mythes (1949)

L’avortement

Non, tu n’as pas de nom (1974)

 

« Aujourd’hui, je te refuse / qui sont-ils, ceux qui m’accusent ? » Sylvestre rédige ces paroles en 1974, un an avant la loi Veil, promulguée le 17 janvier 1975. Le titre raconte l’histoire du non-désir d’enfant et revient sur ce que cela provoque, concrètement, que de ressentir un être non désiré grandir en soi. « Déjà, tu me mobilises », « Je sens que je m’amenuise », se lamente celle qui se définit comme une « captive ». Ceux qui n’ont pas vécu de grossesse non désirée dans leur chair sont-ils en mesure de comprendre cet état de choses ? Pas vraiment, selon la chanteuse. « Ils ont bien de la chance / ceux qui croient que ça se pense. » Au contraire, nous dit-elle, « ça se hurle / ça se souffre », « larme à larme / peine à peine ». À ceux qui nieraient aux femmes la possibilité de choisir, Sylvestre adresse un avertissement clair : « Quiconque se mettra entre mon existence et mon ventre / n’aura que mépris ou haine. » Sur le plan politique, « cette bataille lasse » sera remportée par la promulgation de la loi Veil. Mais ceux qui « refusent » et « accusent » ne cesseront semblerait-il jamais leur croisade, comme en témoignent par exemple aux États-Unis les récentes lois anti-avortement passées dans de nombreux États…

 

Anne Sylvestre, Non, tu n’as pas de nom (1974)

À lire en écoutant la chanson : Annie Ernaux, L’Événement (Gallimard, 2000)

La sororité

Petit Bonhomme (1977)

 

« Bobonne ». C’est le surnom peu reluisant que donne un médiocre « petit bonhomme » aux femmes qui partagent sa vie. Sa femme, sa maîtresse, mais aussi sa propre mère pâtissent du comportement de ce gougnafier. Les femmes mises en compétition et liguées les unes contre les autres par un tel goujat pourraient se fâcher entre elles et en venir à se mépriser ; ainsi dans cette chanson parue en 1977, la femme pourrait, par exemple, insulter la maîtresse et la mère vouloir protéger son « petit bonhomme » de fils… Mais il n’en est rien. La joyeuse petite comptine, aux accents enfantins, retrace l’histoire d’une revanche féministe en règle. Les femmes choisissent l’alliance plutôt que la compétion, la sororité plutôt que l’hétérosexualité ici subie. Mère et amantes décident donc d’abandonner le piètre individu pour « prendre un peu de repos ». Au fil de la chanson, la solidarité féminine s’institutionnalise jusqu’à prendre une dimension politique. Au lieu de larmoyer sur leur sort, les trois femmes attendent l’arrivée des prochaines « Bobonnes » et prévoient de faire front en créant une véritable « colonie de vacances » dirigée contre le méchant « petit bonhomme » !

 

Anne Sylvestre, Petit Bonhomme (1977)

À lire en écoutant la chanson : l’ouvrage collectif Sororité, sous la direction de Chloé Delaume (Points, 2021)

 

Un album posthume d'Anne Sylvestre, Manèges (BC Musique), vient de paraître. Il comporte notamment cinq chansons inédites que l'artiste avait fait découvrir à son public lors de son dernier tour de chant en 2019. Toutes les informations sur le site officiel d’Anne Sylvestre.

Expresso : les parcours interactifs
Épicure et le bonheur
Pourquoi avons-nous tant de mal à être heureux ? Parce que nous ne suivons pas le chemin adéquat pour atteindre le bonheur, nous explique Épicure, qui propose sa propre voie. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
6 min
D’Annie Ernaux à Audrey Diwan : donner à voir “L’Événement” de l’avortement clandestin
Clara Degiovanni 24 novembre 2021

Le 24 novembre paraît le film L’Événement, fidèlement et magistralement adapté du roman d’Annie Ernaux paru en 2000, racontant l’histoire d…

D’Annie Ernaux à Audrey Diwan : donner à voir “L’Événement” de l’avortement clandestin

Article
5 min
Les vertus des chansons tristes
Marie Denieuil 21 décembre 2021

Chansons de rupture, de deuil. Chansons sur le temps qui passe, la perte, la solitude. Et si l’on en avait besoin pour « passer à autre chose…

Les vertus des chansons tristes

Article
2 min
Martin Gore. Maître et serviteur
Sylvain Fesson 02 décembre 2015

On lui doit certaines des plus grandes chansons de ces dernières années. Oui, chansons. Oui, à lui. Car derrière les beats électroniques et l’organe de Dave Gahan, c’est bien Martin Gore le maître d’œuvre de Depeche Mode. Avec ses…


Article
2 min
How The Light Gets In: sixième édition du festival de philosophie et de musique
Cédric Enjalbert 21 avril 2014

Musique et philosophie réunies pour dix jours de débats et fête: c'est le pari du festival HowTheLightGetsIn, qui se tient pour la sixième édition…

How The Light Gets In: sixième édition du festival de philosophie et de musique

Article
2 min
Juliette Armanet. Fleur d’artifice
Sylvain Fesson 16 février 2022

Son mot favori est pour l’heure « coquelicot ». Sans doute parce qu’il est au cœur du « Dernier Jour du disco », flamboyant…

Juliette Armanet. Fleur d’artifice

Article
3 min
Mort de Prigojine, naissance d’un mythe
Octave Larmagnac-Matheron 16 septembre 2023

Si l’élimination du chef de la milice Wagner est plus que probable, les circonstances de sa disparition font naître le mythe d’un Prigojine…

Mort de Prigojine, naissance d’un mythe

Article
8 min
La philo en chantant
21 septembre 2012

Les chansons n’ont l’air de rien. Mais par leur brièveté, leur charme ou leur beauté, leur présence parfois obsédante, elles délivrent souvent des vérités étonnantes. À l’occasion de l’exposition Serge Gainsbourg et du coffret-hommage à…


Article
2 min
Lola Lafon. La mémoire qui tranche
Alexandre Lacroix 25 août 2022

Dans son précédent roman Chavirer, Lola Lafon introduisait de subtiles réflexions sur le sens du pardon dans le judaïsme. Avec Quand tu écouteras…

Lola Lafon. La mémoire qui tranche

À Lire aussi
Agnès Jaoui : la talentueuse
Par Martin Legros
août 2012
Zaho de Sagazan : gueule d’atmosphère
Zaho de Sagazan : gueule d’atmosphère
Par Cédric Enjalbert
octobre 2023
Les adversaires de l’avortement sont-ils conservateurs ou réactionnaires ?
Les adversaires de l’avortement sont-ils conservateurs ou réactionnaires ?
Par Samuel Lacroix
juillet 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Petite philosophie des chansons d’Anne Sylvestre
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse