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Parc des trophées, Bakou, Azerbaïdjan : statues de cire représentant des soldats arméniens. © The Presidential Press and Information Office of Azerbaijan/Wikipedia (CC BY 4.0)

International

“Parc des trophées” : l’horreur de l’humiliation

Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 mai 2021 3 min

Trois cents tanks et pièces d’artillerie arméniens détruits ou dérobés à l’issue de la guerre, une allée ornée de casques de soldats morts au combat, des mannequins représentants les adversaires sous des traits animaux… Le « Parc des trophées », inauguré à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, par le président Ilham Aliyev pour célébrer la victoire dans le conflit du Haut-Karabagh, est un instrument d’humiliation du vaincu qui, à la violence de la guerre, ajoute l’horreur de la « déshumanisation soigneuse et systématique ». L’humiliation, comme le montrent Georges Bernanos et Simone Weil, est en effet une arme au moins aussi dangereuse que les canons : elle blesse la dignité humaine du vaincu comme du vainqueur. Et personne n’en sort gagnant.

Déshumanisation

L’humiliation du vaincu dépasse la simple logique de la guerre : il n’est plus question de conquérir ou de détruire, mais bien de dénier à l’adversaire l’élément minimal de sa dignité : son appartenance à l’humanité. L’humilié est reconduit à l’humus, à la seule matière qui le constitue. Le geste essentiel de l’humiliation consiste précisément à rabaisser le vaincu vers le sol, à le traîner dans la terre comme Achille traîne la dépouille d’Hector, réduite à une charogne, et la soustrait ainsi au domaine du rite humain, la cérémonie funéraire. L’humiliation est un procédé de déshumanisation, qui met l’adversaire à nu et cherche prouver aux yeux de tous qu’il n’est pas ce qu’il prétend être, un homme. L’apparence bestiale des mannequins de soldats arméniens exposés dans le Parc des trophées azéris, qui reconduit ainsi le vaincu à l’animalité, en est un exemple parlant. L’humiliation est une mise à mort symbolique, une volonté d’éradication de l’autre.

 

Parc des Trophées, Bakou, Azerbaïdjan : statues de cire représentant des soldats arméniens. © The Presidential Press and Information Office of Azerbaijan/Wikipedia (CC BY 4.0)

Parc des trophées, Bakou, Azerbaïdjan : statues de cire représentant des soldats arméniens. © The Presidential Press and Information Office of Azerbaijan/Wikipedia (CC BY 4.0)

Vengeance

« Le plus grand mal, aux yeux [d’un peuple], ce n’est pas d’être vaincu, c’est d’être humilié », note l’écrivain Georges Bernanos. Au sein de ce peuple brisé par l’humiliation, les passions destructrices bouillonnent : « Je n’ai jamais été moins orgueilleux qu’aujourd’hui, j’ai ressenti jusqu’aux moelles l’humiliation de mon pays […] Une humiliation ne se répare pas, elle se venge », ajoute ainsi Bernanos à la suite de la défaite française contre l’Allemagne. Pour mettre en garde le vaincu contre les conséquences de la blessure morale : contre la tentation du déferlement sans frein de la haine, de l’inhumain. Mais ses mots sont, aussi, un avertissement aux vainqueurs : il n’est pas de paix authentique si vous niez l’humanité du vaincu, si vous le traitez comme une bête sauvage, si vous portez atteinte à son intégrité.

Avilissement

L’humiliation est perverse car elle vise à créer chez le vaincu la rage de la vengeance. Mais elle défigure aussi le vainqueur. « L’unique humiliation des faibles porte directement atteinte à l’honneur et au prestige des forts, puisqu’elle avilit et dégrade l’idée de la force. » C’est d’abord le vainqueur qui, déshumanisant le vaincu, se déshumanise lui-même. Ce qui fait écrire à Simone Weil, dans une lettre à Bernanos, au sujet du Traité de Versailles de 1918 : « La volonté d’humilier l’ennemi vaincu, qui déborda partout à ce moment (et dans les années qui suivirent) d’une manière si répugnante, me guérit une fois pour toutes de ce patriotisme naïf. Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu’il peut subir. »

 

L’humiliation porte donc en elle les germes destructeurs d’un conflit futur. 

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