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© Emmanuel Boitier/Terre Sauvage/SdP

La vie secrète des arbres

Mort ou vif ? L’énigme du châtaignier élu “plus bel arbre de France”

Octave Larmagnac-Matheron publié le 24 janvier 2022 3 min

L’arbre de l’année, récemment désigné par un concours national, est aussi l’un des plus intrigants. Son âge, bien sûr, n’est pas négligeable : 330 ans. Mais c’est surtout la structure du châtaignier, enraciné près de Niort, en Nouvelle-Aquitaine, qui frappe : « Le tronc principal est mort mais résiste au temps, la cavité centrale qui servait autrefois d’abri est de plus en plus ouverte, les [deux] rejets qui l’encadrent sont eux bien vigoureux. » Existe-t-il encore des liens, des échanges entre tous ces rejets ? Sans doute. Difficile à dire. En tous cas, l’individualité dédoublée, pluralisée de « la talle à teurtous » (« le châtaignier de tout le monde », en patois local) pose question. Comme son rapport à la mort, laquelle s’inscrit ici au centre d’un être dont elle produit la multiplication, beaucoup plus que le dépérissement. Éclairage avec la philosophe Florence Burgat.

 

  • La mort n’appartient pas à l’existence normale de la plante. C’est en tout cas ce que montre la Florence Burgat dans son ouvrage Qu’est-ce qu’une plante ? Essai sur la vie végétale (Éditions du Seuil, 2020). « Seule une cause extérieure met fin à leur poussée, et seule une limite physique borne leur croissance en droit indéfinie. […] Les plantes […] ne meurent pas vraiment. […] Elles ne meurent pas de leur division, celle-ci concourant au contraire à multiplier la plante. Une plante que l’on dit “morte” poursuit souvent sa vie dans l’obscurité du sol avant de reparaître à la lumière. » La plante échappe à l’inévitable dégénérescence du corps qui frappe l’animal et le condamne à une fin ultime.
  • Sans doute arrive-t-il que certaines parties de la plante meurent, mais cette mort n’a rien de dramatique. Car « la vie végétale est une vie en réseau. Son centre est partout, sa circonférence nulle part. Le centre de la plante, son être, échappe à la pensée parce qu’il varie et se diffracte au fil d’un développement qui n’en finit jamais de bifurquer et de renaître. » La plante n’est pas clairement individuée – ces cellules ne sont pas différenciés à organes, ou très peu. Hegel, que cite Burgat, le formule parfaitement : « Une plante est ainsi proprement un agrégat d’une multitude d’individus qui constituent un unique individu, mais dont les parties sont entièrement subsistantes-par-soi. » Chacune de ses parties contient l’ensemble de la puissance vitale du tout.
  • Le végétal ne vieillit pas vraiment, de ce point de vue, il renaît intégralement en chacun de ses points de pousse. Ses parties ne cessent de se multiplier. De nouvelles couches de vies ne cessent de se surajouter. La plante n’atteint jamais un état définitif. Sa croissance virtuellement illimitée étire irrésistiblement la plante vers l’extérieur. Certaines parties plus anciennes périssent, sans doute, sur le chemin de ce développement périphérique, mais le mouvement vital se poursuit. Comme avec le cas du beau châtaignier, la vie entoure le bois mort.
  • L’animal se déploie sur un mode inverse. Sa croissance est limitée. Son corps est composé d’organes aux fonctions bien définies, qui n’ont aucune existence autonome et qui sont tous indispensables à la vie du tout. Rien ne s’ajoute, passé un certain stade de développement, à l’organisme achevé. Cet organisme est condamné à vieillir, dans la mesure où il est incapable de renaître tout entier dans l’une de ses parties. Le développement animal a l’allure d’une focalisation vers l’intérieur (l’organisation d’une pluralité déterminée d’organes afin d’assurer la cohésion d’un tout unifié), et non l’extérieur. L’intériorité de la conscience par laquelle l’individu appréhende son unité est comme le prolongement de cette concentration vers l’intérieur. La mortalité est, à ce titre, le prix d’une individualité aboutie. L’animal n’y échappe que par la reproduction, la transmission de soi dans un autre, à laquelle la plante n’est pas assignée.
  • Que « la talle à teurtous » ait pu vivre trois siècles, et qu’elle ait pris la forme bicéphale qu’on lui connaît aujourd’hui, cela constitue deux faces d’une même pièce. C’est parce qu’elle existe sous une forme fondamentalement dispersée que la plante peut être, potentiellement, immortelle. C’est pour autant qu’elle manifeste une croissance illimitée que la plante s’étire sans arrêt vers l’extérieur, par un bourgeonnement incessant d’elle-même.
À lire aussi : régénérer la pensée par les plantes, avec Michael Marder
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