Qu’est-ce qu’une plante ? Essai sur la vie végétale

Une recension de Octave Larmagnac-Matheron, publié le

« Et la souffrance des carottes ? » : quel végétarien n’a pas, un jour, été confronté à cette objection moqueuse ? Apparemment innocente, l’idée est néanmoins prise au sérieux par un nombre croissant de penseurs qui voudraient conférer aux plantes un statut moral et des droits, voire les reconnaître comme des personnes. C’est faire fausse route, affirme la philosophe Florence Burgat dans cet ouvrage d’autant plus passionnant qu’il est concis : les végétaux, dépourvus de conscience et de vie psychique, tournés vers l’extérieur et non vers les profondeurs d’une intériorité, ne sont pas des êtres « sentients ». Leur « vie qui ne meurt que pour renaître est le contraire d’une tragédie ». Volontairement ou involontairement, les défenseurs d’une éthique végétale, qui égalisent et indifférencient toutes les formes de vie, allument un « contre-feu » néfaste pour la cause animale : comment, en effet, assumer notre responsabilité dans un monde où nous aurions des devoirs envers tous les vivants ? Ce discours décourageant invite, entre les lignes, à s’absoudre d’une morale trop exigeante. Pour Florence Burgat, il est donc impératif de dénoncer l’imposture de la plante souffrante. Ce qui ne conduit pas au mépris, au contraire : l’essentiel de l’ouvrage est précisément une tentative – nourrie de science autant que de philosophie – de rompre avec le langage zoocentrique pour penser la vie végétale dans son « altérité radicale ». Virtuellement immortelle, non individuée, capable de se reproduire aussi bien par greffe que par bouturage, croissant indéfiniment sans jamais atteindre de forme finale, la plante est sans commune mesure avec l’animal. Raison de plus pour l’admirer.

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